En cette Journée internationale de la femme, WIEGO lance une série d’un mois sur la vie des femmes travailleuses de l’économie informelle. Nous examinerons les défis auxquels elles sont confrontées en tant que femmes, mères, épouses et membres de communautés qui, en leur imposant une myriade de restrictions de divers ordres, limitent souvent leur capacité de gagner leur vie. Suivez-nous sur Twitter @wiegoglobal.

La Journée internationale de la femme est une occasion propice non seulement de célébrer les progrès réalisés dans le monde, par les personnes qui défendent les droits des femmes, mais aussi de se rappeler les défis qui restent à relever. En accord avec le thème de cette année, la campagne appelle à l’équilibre entre les sexes dans les administrations publiques, les médias, les sports, la collectivité, l’économie, tous les aspects de la vie sociale.

Aux yeux de l´organisation de la campagne, l’équilibre entre les sexes est plus qu’une question de justice sociale. Il est aussi, comme elles le soutiennent, une bonne affaire : la parité hommes-femmes porte en elle le potentiel d’améliorer les économies et les collectivités en même temps. Alors que nous nous félicitons de l’appel de la campagne en faveur de #balanceforbetter [l'équité pour un monde meilleur], force est de reconnaître que, dans certaines de ces communautés, les défis sont bien ancrés et viennent de plus loin.

Alors que nous nous félicitons de l’appel de la campagne en faveur de #balanceforbetter [l'équité pour un monde meilleur], force est de reconnaître que, dans certaines de ces communautés, les défis sont bien ancrés et viennent de plus loin.

Dans notre travail chez WIEGO, nous constatons que les travailleuses pauvres du Sud font face à des obstacles à l’égalité, à un ensemble complexe de défis qui vont au-delà de la discrimination fondée sur le sexe. En effet, les femmes de l’économie informelle se heurtent à des obstacles structurels sociaux et économiques enracinés. Leur vie est conditionnée par de nombreux rapports de force entrecroisés, par l’intersectionnalité des relations de pouvoir marquées par la classe, la caste, la religion, l’appartenance raciale et l’origine ethnique.

Ces formes de discrimination, outre l’oppression sexiste, marginalisent davantage les femmes, ce qui rend la marche vers l’égalité et l’autonomisation économique encore plus difficile, un combat que les femmes, de Delhi à Dakar, abordent de leur façon toutefois, une façon qui change aussi la donne.

En lire plus sur l’autonomisation économique des femmes.

Belo Horizonte
Women waste pickers face discrimination for doing "unfeminine" work. Photo: Leslie Tuttle

Face à des hostilités ancrées

Prendre acte des besoins multidimensionnels des femmes dans l’économie informelle est crucial si l’on veut réaliser des progrès mesurables, surtout vu leur nombre considérable.

Dans les pays en développement, 92 % des femmes employeés sont dans l’économie informelle. En Asie et Afrique, l’économie informelle représente 71.4 % et 85,8 % de la population active, respectivement, les femmes représentant 64,1 % (Asie) et 89,7 % (Afrique) pour les femmes. Et ce n’est pas seulement dans les pays en développement que l’économie informelle s’accroît. Selon l’OIT, 2 milliards de personnes, soit 61 % de la population active mondiale, font partie de l’économie informelle.

... libellé des politiques est souvent hostile à leur existence même ...

Malgré leur omniprésence, les travailleuses de l’informel doivent encore faire face à de nombreux défis. Pour commencer, le libellé des politiques est souvent hostile à leur existence même, et elles sont réputées incarnées l’économie « parallèle », « clandestine », « souterraine » ou « noire ». Dans les villes, les préjugés auxquels les travailleuses sont confrontées peuvent être particulièrement déshumanisants et difficiles à combattre.

Les récupératrices, par exemple, sont perçues comme étant sales et faisant un travail « non féminin ». Les vendeuses de rue sont criminalisées pour avoir revendiqué un espace dans la ville où vendre leurs marchandises. Lorsqu’elles font le commerce de rue avec leur bébé, parce qu’elles ne peuvent pas payer les services de garde d’enfants ni s’absenter du travail pour élever leurs enfants, elles se voient qualifiées de mauvaises mères. Dans ce contexte, les femmes et les hommes de l’économie informelle sont stéréotypés comme étant des profiteurs et des fraudeurs fiscaux.

Ahmedabad
Women are mobilizing to gain a voice in their communities. Foto: Paula Bronstein/Getty Images Reportage

L’agentivité des femmes, la reconnaissance s’impose

Cependant, les femmes de l’économie informelle font face chaque jour aux hostilités bien ancrées.

Dès lors, si l’on ne se limite plus à l’équilibre entre les sexes et à la parité hommes-femmes, cela nous permet de voir l’agentivité des femmes et les formes de résistance et de contestation qu’elles traversent au quotidien. Trop souvent, les femmes pauvres travailleuses sont dépeintes comme des victimes passives qui attendent des politiques qui vont leur assurer un pied d’égalité.

Dès lors, si l’on ne se limite plus à l’équilibre entre les sexes et à la parité hommes-femmes, cela nous permet de voir l’agentivité des femmes et les formes de résistance et de contestation qu’elles traversent au quotidien.

En réalité, face à de nombreux obstacles structurels, les femmes se créent des moyens d’existence à partir des déchets, s’approprient de l’espace dans des environnements urbains hostiles et se mobilisent pour avoir voix au chapitre dans la ville. Ce faisant, elles redéfinissent la nature même de l’économie, de la socialité et de la politique urbaines.

Nous avons été témoins du pouvoir des femmes, surtout lorsqu’elles s’unissent pour résister collectivement, avec détermination et talent, à cette dynamique du pouvoir multidimensionnelle qui s’oppose à leur indépendance économique et à leur reconnaissance égale. L’agentivité des femmes, leur capacité d’agir – qui consiste à cerner les choix qui s’offrent à elles et à déterminer quand et comment agir – leur permet d’envisager d’autres possibilités, de s’attaquer aux contraintes à caractère sexiste et d’affronter les politiques de marginalisation.

Nous avons été témoins du pouvoir des femmes, surtout lorsqu’elles s’unissent pour résister collectivement, avec détermination et talent, à cette dynamique du pouvoir multidimensionnelle.

Dans cette série d’un mois, nous mettrons en vedette les femmes et leurs organisations engagées dans la lutte contre les discriminations complexes que connaissent les femmes pauvres travailleuses dans les pays du Sud, des dégradations sociales liées à leur travail en tant que récupératrices de matériaux aux préjugés à l’encontre des femmes qui sortent travailleur à l’extérieur du foyer, même lorsqu’elles doivent le faire pour leur travail.

Au travers de leurs histoires retentissantes, leur voix nous rappelle que la dignité, la solidarité et la reconnaissance sont au cœur de leurs efforts visant à asseoir leur autonomie et à mieux sécuriser leurs moyens de subsistance et que ces trois éléments animent la poursuite de l’action collective et des changements significatifs dans leur vie.

Lisez notre première histoire dans cette série : Nazma, une travailleuse à domicile de Delhi, défie les préjugés sociaux auxquels elle et d’autres femmes de son quartier sont confrontées.

Photo en vedette: Olga Abizaid

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