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Cette crise m’a ouvert les yeux sur les abus que j’ai subis. Je me suis toujours battue contre les mauvais traitements de la dame avec laquelle je travaille, j’avais au moins un salaire qui m’a permis de vivre et de payer l’éducation de ma famille. J’ai commencé à travailler pour elle en gardant son fils de 6 mois qui aura 26 ans en juillet. Malgré cela, elles·ils ne m’ont pas pris en considération. Pendant tout le mois d’avril, elles·ils ne m’ont rien payé. –Travailleuse domestique, Lima, Pérou

Nous avons dû faire face à de grandes difficultés. Nos travaux/entreprises ont été fermés, nous n’avions donc aucun revenu. On ne pouvait pas sortir de la maison. Si on sortait, on avait peur. Les céréales et les épices étaient chères. On aurait dit que les commerçant·e·s voulaient nous voler. –Vendeuse·eur de rue, Inde

Il n’y a pas d’indicateurs économiques aussi importants ou révélateurs que les mots des travailleuse·eur·s. Aujourd’hui, les voix des travailleuse·eur·s de l’économie informelle, qui représentent 60 % de l’emploi mondial, nous aident à surmonter les difficultés, l’injustice et les possibilités de transformation au sein de notre système économique, mises à nu par COVID-19.

WIEGO et nos partenaires, nous sommes à l’écoute des travailleuse·eur·s de l’économie informelle à long terme dans le cadre de notre étude : La crise de la COVID-19 et l'économie informelle.

En 2008-2010, WIEGO a été l’une des rares organisations à documenter l’impact de la crise financière mondiale, qui a entraîné une récession sur les travailleuse·eur·s de l’économie informelle. Aujourd’hui, au beau milieu de la crise actuelle, le monde en sait beaucoup plus sur l’impact de COVID-19 sur la majorité de l’emploi mondial qui est informel. Les sondages téléphoniques et les rapports des médias démontrent l’ampleur dévastatrice des pertes de revenus et de l’insécurité alimentaire L’évaluation rapide de WIEGO en mars a montré comment des questions telles que la violence policière, l’augmentation des soins et des responsabilités des ménages, et les ruptures de la chaîne d’approvisionnement aggravent la crise des revenus.

Néanmoins, en avril, WIEGO et nos membres institutionnels et d’autres partenaires – des organisations représentant des travailleuse·eur·s de l’économie informelle dans diverses professions – ont commencé à planifier d’autres recherches afin d’affiner notre compréhension de la crise. Avec le soutien du Centre de recherches pour le développement international, nous nous demandons : Comment les travailleuse·eur·s à domicile gèrent des perturbations sans précédent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ? Comment les travailleuse·eur·s des espaces publics et des maisons privées se protègent contre la COVID-19 ? Quels types de mesures de secours les touchent réellement et, le cas échéant, de quel soutien les travailleuse·eur·s ont besoin pour vraiment redémarrer et assurer leurs moyens de subsistance ? Ces questions sont aussi pertinentes pour les travailleuse·eur·s de l’informel à New York dans les pays du Nord qu’à Delhi, Accra ou Lima dans le Sud.

« COVID-19 Crisis and the Informal Economy » vise à combler ces lacunes. Cette étude en deux parties permettra de saisir les changements survenus à travers les différentes étapes de la crise au cours des deuxièmes et troisièmes trimestres de 2020, et de la façon dont les travailleuse·eur·s s’adapteront d’ici le premier trimestre de 2021. L’étude crée une plateforme pour que l’expérience et la voix des travailleuse·eur·s de l’informel se fassent entendre pour que les personnes qui créent des politiques voient, entendent et ressentent ce qui ne va pas à la base de la pyramide économique et ce que nous pourrions commencer à faire correctement.

COVID-19 et l’économie informelle : Étude dans 12 villes menée par WIEGO

  • Villes : Accra, Ahmedabad, Bangkok, Dakar, Dar es Salaam, Delhi, Durban, Lima, Mexico, Pleven (Bulgarie), New York, Tiruppur

  • Organisations partenaires et collaboratrices : Asiye eTafaleni ; Conservation, Hotels, Domestic, Social Services and Consultancy Workers Union (CHODAWU) ; HomeNet Thailand ; Federation of Informal Workers Thailand ; the Bulgarian Trade Union of Self-Employed and Informal Workers (UNITY) ; Street Vendor Project ; Sure We Can ; Social Awareness and Voluntary Education (SAVE) ; Self Employed Women’s Association (SEWA) ; Sindicato Nacional de Trabajadores y Trabajadoras del Hogar (SINACTRAHO) ; - Trabajadores Voluntarios y Desempleados de la Ciudad de México (TVDCM) ; Unión de Aseadores de Calzado de la Ciudad de México (UACCM) ; Greater Accra Markets Association (GAMA) : Kpone Landfill Waste Pickers Association ; Informal Hawkers and Vendors of Ghana (IHVAG) ; Kayayei Youth Association ; Jan Pahal ; Delhi Roundtable of Waste Pickers (DRT) ; SEWA Delhi ; Bokk Diom ; SINTTRAHOL - Sindicato de Trabajadores y Trabajadoras del Hogar de Lima ; SINTRAHOGARP - Sindicato de Trabajadoras del Hogar del Perú ; IPROFOTH - Instituto de Promoción y Formación de Trabajadoras del Hogar ; FENVENDRELP - Federación Nacional de Vendedores de Diarios, Revistas y Loterías del Perú ; RENATTA - Red Nacional de Trabajadoras y Trabajadores Autoempleados ; CETRAFOR - Central Única de Autoempleados de La Victoria, Rumbo a la Formalización; Asociación La Parada ; CONFIAR - Confederación de Instituciones de Ambulantes y Afines de la Región Lima y Callao ; FENAREP - Federación Nacional de Recicladores del Perú ; Frente Nacional de Recicladores Ambientalistas del Perú.

  • Secteurs professionnels : Travailleuse·eur·s domestiques, travailleuse·eur·s à domicile, vendeuse·eur·s de rue, chauffeur·e·s de moto-taxi, travailleuse·eur·s non-salarié·e·s (Mexique) et masseuse·eur·s

  • Fonds : Centre de recherches pour le développement international, Canada

De la vulnérabilité aux perspectives de reprise

« La crise de la COVID-19 et l'économie informelle » interroge sur quatre thèmes centraux :

La crise du revenu, de la santé, de l’alimentation et des soins : L’étude WIEGO documente les principaux obstacles au travail pendant et après les restrictions imposées para la crise de la COVID-19, la perte de jours ouvrables et de revenus, et la façon dont les travailleuse·eur·s s’adaptent, y compris par le biais de stratégies d’adaptation négatives comme les prêts à taux d’intérêt élevé. Nous identifions les répercussions de la COVID-19 sur la santé (y compris la santé mentale), comment les restrictions modifient la composition et les responsabilités des ménages en matière de soins pour les travailleuse·eur·s de l’informel, et comment ces répercussions varient particulièrement selon le sexe et la profession.

Biens et services essentiels : Les travailleuse·eur·s de l’informel fournissent des services essentiels, de la nourriture aux soins, en passant par le transport et la gestion des déchets. Nous examinons lesquelles de ces fonctions sont reconnues comme telles et quelles travailleuse·eur·s doivent assumer leurs tâches essentielles sous la menace d’une peine ou d’une violence de l’État. L’étude illustre également comment les travailleuse·eur·s ont accès aux biens et services essentiels.

Rôle de l’État et d’autres institutions : Les gouvernements jouent un rôle contradictoire pour les travailleuse·eur·s de l’informel, d’une part, en fournissant des protections sociales limitées, tout en offrant peu (voire aucune) de protection juridique ou de soutien économique, et en pénalisant fréquemment leurs moyens de subsistance par l’intermédiaire des forces de l’ordre locales. Dans le cadre de l’étude COVID-19, nous examinons le rôle des institutions de l’État et non étatiques pendant la pandémie. Il est important de noter que nous évaluons de même le rôle des organisations qui représentent les travailleuse·eur·s de l’informel et la façon dont elles s’adaptent à un paysage économique et politique transformé.

Aides et protection sociale : L’ère de la COVID-19 a vu une extension large mais incomplète des mesures de protection sociale et d’élaboration de nouvelles mesures de secours pour atteindre les travailleuse·eur·s de l’informel. Dans le cadre de l’étude COVID-19 Crisis Study et d’autres recherches du Programme de protection sociale de WIEGO, nos recherches évaluent les mesures qui touchent réellement les travailleuse·eur·s, les raisons pour lesquelles elles n’atteignent pas tous·tes, et comment et pourquoi elles ont un impact.

Saisir les intersections et les récits, à travers une approche mixte des méthodes

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pandémie mondiale a remis en question la façon dont nous menons traditionnellement une recherche. Les focus groupes qualitatifs et en face à face ont été abandonnés et remplacés par des questionnaires téléphoniques. Pourtant, pour saisir la complexité et la diversité des expériences informelles des travailleuse·eur·s pendant la pandémie, ainsi que les réponses politiques à cette situation, il faut une approche méthodologique mixte. Les outils de recherche doivent permettre d’interroger les vulnérabilités intersectionnelles des travailleuse·eur·s, liées au statut d’emploi, le lieu de travail, la race, l’origine ethnique et la caste, le statut migratoire et le sexe.

Un questionnaire détaillé mené en 12 langues, ainsi que plus de 100 entrevues semi-structurées avec des leaders travailleuse·eur·s et d’autres informatrices·teurs clé·e·s, permettent à WIEGO et à nos membres et partenaires institutionnels d’examiner ces thèmes. Notre sondage comprend des questions sur les sujets décrits ci-dessus, avec des questions ouvertes à la fin qui laissent le temps pour une réflexion libre sur les défis rencontrés, le soutien reçu, et les besoins futurs. Étant donné que les enquêtes sont adaptées par secteur, nous pouvons également nous concentrer sur la façon dont la COVID-19 perturbe ou modifie la nature du travail domestique, de la vente de rue, récupération de matériaux et du travail à domicile, entre autres occupations.

Les entrevues semi-structurées permettent aux équipes de recherche locales de clarifier ce qui se passe au niveau des économies de la ville ou du quartier. Plus important encore, elles découvrent les récits déterminants et personnels des travailleuse·eur·s et de leurs familles, qui font que les données « chiffrées » voient la lumière.

Cette maladie nous a causé beaucoup de problèmes parce qu’à Mbeubeuss [centre de décharges] il y a du plastique mais nous ne pouvons plus le prendre, nous avons donc de la difficulté à le vendre, et les intermédiaires en profitent pour baisser les prix. Nous sommes donc obligé·e·s à vendre à ce prix parce que nous en avons besoin pour subvenir aux besoins de nos familles. –Recupératrice·eur·s de matériaux, Dakar

Mon corps va bien, mais mon bien-être émotionnel est vulnérable. J’ai eu COVID et j’ai dû penser à mes parents âgé·e·s. Je suis encore en train de me rattraper mentalement. –Productrice·teur de conserves, New York, État de New York

Créer des espaces d’apprentissage, de réflexion et de soins mutuels

Demander ce type de renseignements personnels détaillés par téléphone est difficile en toutes circonstances, encore plus dans une crise aiguë. La recherche menée par WIEGO n’est possible qu’en raison de ses relations étroites avec ses membres, et entre les travailleuse·eur·s et leurs organisations membres, qui ont mené ou coordonné tous les questionnaires et entrevues.

Ce que nous n’avons pas prédit, c’est la mesure dans laquelle ces interactions créeraient également de nouveaux espaces vitaux de communication et de réflexion pour les OB et leurs membres. À une époque d’isolement sévère, de nombreux travailleuse·eur·s étaient prêts à passer une heure ou plus au téléphone avec un allié de confiance des OB, pour partager les détails de cette période troublante. Pour les OB, ces appels ont souvent permis de clarifier les besoins de soutien immédiat et de stratégies d’organisation plus larges. Pour les travailleuse·eur·s interrogées, ces appels ont permis de leur rappeler qu’elles ne sont pas seules.

Ceci est très important : On a beaucoup parlé de la nécessité d’un rétablissement juste, qui s’attaque aux inégalités et aux injustices préexistantes. Pourtant, la façon dont nous définissons cette « juste reprise » doit commencer par la façon dont celles qui se trouvent au bas de la pyramide économique la définissent.

Recherche visant à construire des mouvements et du pouvoir

Pour WIEGO et les organisations de travailleuse·eur·s de l’économie informelle, la production de données n’est jamais une fin en soi. C’est une voie d’organisation et de plaidoyer : pour accroître la visibilité des travailleuse·eur·s de l’informel, leurs besoins et leurs demandes ; et pour élever la voix des travailleuse·eur·s, de leurs dirigeant·e·s et de leurs organisations. L’histoire du mouvement mondial des travailleuse·eur·s de l’informel a montré que « le savoir et les statistiques entre les mains des travailleuse·eur·s de l’économie informelle sont le pouvoir ».

Pour cette raison, notre plan de travail donne la priorité aux besoins de plaidoyer des organisations de travailleuse·eur·s locales dans les 12 villes. Les premiers résultats de l’étude mondiale sont 12 fiches d’information des villes, rédigées en langues locales, qui fournissent aux travailleuse·eur·s et aux décideur·euse·s politiques locales un aperçu des points de données clés pour chaque ville et secteur. Plus tard cette année, WIEGO publiera également une version globale des fiches d’information.

Nous espérons que vous nous rejoindrez pour écouter et apprendre de la voix des travailleuse·eur·s de l’informel à travers le monde, et que vous vous lèverez à leurs côtés pour exiger une reprise juste de la COVID-19.

Photo : Les vendeuses et les clientes du marché utilisent des masques et intègrent d’autres mesures de sécurité lors de leurs achats à la Villa María del Triunfo à Lima, au Pérou. Crédit : WIEGO