La pandémie de la COVID-19 a mis au centre de l’attention les récupératrice·eur·s de matériaux et leur rôle crucial dans la fourniture de services d'assainissement et de gestion des déchets solides. Leur contribution à la santé et à la sécurité publiques, à la durabilité environnementale et aux économies locales, leur a valu le statut de travailleuse·eur·s essentiel·le·s dans de nombreux endroits. Pourtant, de nombreuses personnes récupératrices continuent d'être harcelées par les autorités alors qu'elles doivent faire face à des restrictions d'accès aux matériaux recyclables, et leurs moyens de subsistance sont menacés alors qu'elles sont en concurrence avec les entreprises de collecte des déchets.
Pour les récupératrice·eur·s de matériaux, le harcèlement fait partie de la vie quotidienne, même avant la pandémie. Des entretiens approfondis avec ces travailleuse·eur·s, l'observation de leur travail et la visite d'une douzaine de décharges dans six pays d'Amérique latine – effectuée avant la pandémie – ont permis de montrer des conditions de travail si précaires qu'elles équivalent à des violations des droits humains. Cependant, la plupart des récupératrice·eur·s ne savent pas ce que sont ces droits et comment les défendre. Nos rapports sur les droits humains en République dominicaine, au Nicaragua, au Guatemala, en Argentine et en Uruguay servent de témoignage à la fois pour donner de la visibilité aux conditions de travail des récupératrice·eur·s de matériaux et pour mobiliser le soutien pour la défense de leurs droits. WIEGO s'efforce d'utiliser cette recherche et la boîte à outils qui l'accompagne pour plaider en faveur de meilleures conditions de travail, en accord avec les normes des droits humains.
Les violations des droits les plus courantes dans les conditions de travail des récupératrice·eur·s de matériaux sont l'absence de dispositions de sécurité : nombre de travailleuse·eur·s subissent des coupures et des infections en travaillant sur les décharges. Dans d'autres endroits, l'accès aux décharges est bloqué, notamment par l'interdiction de leurs moyens de transport, ou sont harcelé·e·s par les autorités locales qui leur refusent l'accès aux déchets. En outre, ces travailleuse·eur·s ne sont souvent pas pris en compte dans les appels d'offres pour les contrats de collecte et de recyclage des déchets et se voient refuser un espace pour trier les produits recyclables.
À Mexico, les récupératrice·eur·s de matériaux sont appelés « travailleuse·eur·s volontaires » et sont harcelé·e·s par le syndicat de gestion des déchets chaque fois qu'elles tentent de s'organiser. Dans la ville de Rosario, en Argentine, les autorités ont limité l'utilisation de charrettes tirées par des chevaux comme véhicules de collecte par les récupératrice·eur·s de matériaux, sans leur offrir de véritables remplacements des équipements de travail. En Colombie, bien qu'elles aient été reconnues comme des prestataires de services de recyclage, les récupératrice·eur·s de matériaux de Bogotá se heurtent à des obstacles pour accéder aux déchets recyclables depuis 2019, lorsque des conteneurs de déchets ont été installés sans consultation ni étude adéquates. La conception de ces conteneurs a rendu difficile l'accès des récupératrice·eur·s de matériaux aux déchets recyclables et, en l'absence de programmes d'éducation de la population, ils sont remplis de déchets non-ségrégués.
En Uruguay, les récupératrice·eur·s de matériaux sont confrontés à des restrictions de travail dans les quartiers de la ville qui produisent les meilleurs matériaux recyclables, notamment l'installation de conteneurs « anti-vandalisme », dont la conception empêche l'accès au recyclage. En République Dominicaine, les récupératrice·eur·s de matériaux sont poursuivi·e·s uniquement pour avoir fait leur travail. En particulier dans la ville de Santiago de los Caballeros, ces travailleuse·eur·s ont été violemment expulsé·e·s des décharges et leurs dirigeant·e·s et organisations ont été criminalisées et persécutées par les autorités municipales. Dans toute l'Amérique centrale, de nombreuses décharges sont sous le contrôle des mafias et, en l'absence de toute implication de l'État, les travailleuse·eur·s des décharges sont facilement maltraitées et exploitées par des organisations criminelles.
Dans plusieurs pays d'Amérique centrale et du Sud, les récupératrice·eur·s de matériaux n'ont pas été en mesure de former des organisations fortes, alors qu'elles sont souvent exposé·e·s à des violations systématiques de leurs droits. Dans certains pays, tels que l'Argentine, la Colombie, le Brésil, l'Équateur et le Chili, ces travailleuse·eur·s ont pu former des mouvements nationaux qui ont réussi à remédier partiellement à ces violations des droits.
Pour les six pays ciblés par ce projet sur les droits humains, une boîte à outils a été mise au point, qui comprend un jeu de mémoire, des serpents et des échelles, une bande dessinée et une vidéo, ainsi qu'une affiche et un guide, grâce auxquels les récupératrice·eur·s apprennent à comprendre leurs droits et à les défendre.
Bien que la reconnaissance ait progressé dans certains des pays inclus dans le rapport de WIEGO, les récupératrice·eur·s de matériaux et leurs organisations en Amérique latine sont confrontées à une grande menace, notamment le manque de garanties pour effectuer leur travail, la persécution par le gouvernement, la discrimination par la société et, enfin, la pression des entreprises de collecte de déchets ou des initiatives privées de recyclage qui pourraient leur priver des déchets recyclables dont leur vie dépend.
Les premiers entretiens que WIEGO et ses partenaires locaux ont menés avec les récupératrice·eur·s de matériaux sur leurs conditions de travail et le rapport basé sur ces résultats ont été inclus dans le rapport annuel de la Commission interaméricaine des droits humains. Cela constitue une formidable opportunité de plaidoyer sur laquelle s'appuyer.
La formation aidera les organisations à devenir plus fortes et à documenter les violations des droits humains auxquelles elles sont confrontées, ce qui permettra de mener davantage de recherches qui pourront ensuite être utilisées pour plaider en faveur de meilleures conditions de travail pour ces travailleuse·eur·s. Il s'agit d'une étape importante pour garantir le respect des droits humains des travailleurs essentiels, qui contribuent à garantir la santé et la sécurité du public et qui dépendent de leur métier pour nourrir leur famille.
Plusieurs expériences ont montré que les récupératrice·eur·s de matériaux et leurs organisations peuvent être durablement intégrées, reconnues et rémunérées par le service public de gestion des déchets, qui à son tour apporte des avantages environnementaux et économiques à la société dans son ensemble. Mais cela ne peut se faire sans le respect et la protection de leurs droits fondamentaux.
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