Les travailleuse·eur·s à domicile d’Afrique se trouvent à la base des chaînes d’approvisionnement de l’artisanat dont les produits sont vendus à la fois dans le pays et à l’étranger. Il est essentiel de mieux comprendre ces chaînes d’approvisionnement pour surmonter certains des défis auxquels ces travailleuse·eur·s de l’artisanat font face et pour améliorer leurs moyens de subsistance.

Qui sont ces travailleuse·eur·s de l’artisanat à domicile ?

Les travailleuse·eur·s de l’artisanat à domicile en Afrique sont pour la plupart des personnes des classes économiques inférieures, qui vivent souvent dans les zones rurales et dans les quartiers urbains irréguliers. La majorité de ces travailleurs sont des femmes, bien qu’un nombre important d’entre eux soient des hommes. Elles·Ils utilisent des matières premières locales et mettent en œuvre des savoir-faire transmis de génération en génération. Leurs produits sont vendus à la fois dans le pays et à l’étranger.

Il est difficile de déterminer le nombre exact de travailleuse·eur·s de l’artisanat à domicile en raison des différentes définitions et classifications de l’artisanat dans les statistiques sur le commerce et du manque de reconnaissance du domicile en tant que lieu de travail. Comme c’est le cas pour le travail à domicile en général, il s’agit souvent d’une activité combinée avec d’autres occupations, telles que les travaux ménagers ou l’agriculture. De ce fait, il est difficile de dégager des chiffres clairs sur la contribution économique de ces travailleuse·eur·s. Une classification claire des métiers artisanaux pourrait aider à mesurer avec précision leur contribution à l’économie, au tourisme et aux exportations.

Pourquoi il est si important de comprendre les chaînes d’approvisionnement

Il est fondamental que les artisans comprennent les chaînes d’approvisionnement, car il y a beaucoup de fausses idées sur les bénéfices et les rôles au sein de ces chaînes, c’est-à-dire qui obtient quoi en fin de compte. Connaître les étapes de la chaîne d’approvisionnement – de l’approvisionnement en matières premières, en passant par la production et la distribution, jusqu’à la clientèle – aide les travailleuse·eur·s de l’artisanat à négocier de meilleurs prix et de meilleures conditions. Cela leur permet également de comprendre les défis relevés par chaque acteur de la chaîne, ce qui encourage la coopération et réduit les malentendus et la méfiance.

Par exemple, au Ghana, les conséquences du changement climatique sur la disponibilité et le transport des matières premières comme les roseaux pour le tressage des paniers ont un impact sur les délais et les coûts. Comprendre cela peut aider les travailleuse·eur·s à expliquer les retards et à négocier des délais et des prix plus réalistes.

Défis pour les travailleuse·eur·s de l’artisanat

  • Les plus grands défis auxquels font face les travailleuse·eur·s de l’artisanat sont la constance et la réponse aux demandes de commandes volumineuses dans le processus de création et de production. Le savoir-faire artisanal est généralement transmis de génération en génération, il n’y a donc pas de formation formelle.
  • Si un grand magasin demande 5 000 pièces d’un article donné, qui doivent toutes être identiques, elles seront probablement fabriquées par plusieurs personnes différentes. Chaque travailleuse·eur ajoutera sa touche unique, ce qui provoquera de légères différences de taille et de forme. De plus, il arrive souvent que les travailleuse·eur·s manquent d’outils appropriés, ce qui rend difficile la production de pièces uniformes.
  • L’artisanat est une activité à forte intensité de main d’œuvre. Beaucoup de travailleuse·eur·s concilient leur travail artisanal avec d’autres responsabilités, telles que les tâches ménagères. Cela signifie pour elles·eux de ne pouvoir consacrer qu’un temps limité à leur métier, ce qui affecte leur productivité. Celle-ci est en outre compromise par une infrastructure inadéquate, telle que le manque d’électricité et d’eau, le mauvais état des transports et les connexions Internet instables. Assurer une qualité constante sur des commandes volumineuses représente aussi un défi considérable.
  • Il existe souvent un décalage entre ce que le marché veut et ce que les travailleuse·eur·s de l’artisanat produisent, en partie à cause du manque d’études de marché et des problèmes de confiance entre les travailleuse·eur·s et les intermédiaires.
  • Les intermédiaires, comme les commerçant·e·s et les importatrice·eur·s, jouent un rôle crucial en établissant un lien entre les travailleuse·eur·s et les marchés, mais celles·ceux-ci se méfient souvent des intermédiaires. Les travailleuse·eur·s ont peut-être l’impression que les intermédiaires encaissent une part trop importante des bénéfices, mais elles·ils dépendent de ces intermédiaires pour accéder aux marchés. Une telle dépendance peut entraîner des déséquilibres de pouvoir, les intermédiaires décidant des prix, des conditions et des délais de livraison.
  • Il y a un manque de connaissances sur les rôles et les coûts de chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire sur les responsabilités de chaque personne et sur combien cela coûte. Les intermédiaires doivent assumer le coût des services logistiques, des frais de location et du personnel. Cela conditionne le prix du produit et la part du prix final que chaque acteur reçoit. Si les travailleuse·eur·s de l’artisanat comprennent toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement, elles·ils seront en mesure de négocier sur la base d’informations plutôt que d’accusations, ce qui pourrait les aider à obtenir des prix plus justes.
  • L’artisanat est une source de revenus essentielle pour les femmes, mais le travail artisanal le plus valorisé est souvent effectué par les hommes, soit parce que les femmes sont exclues pour des raisons culturelles ou traditionnelles, soit parce que les hommes accaparent le travail bien rémunéré.

Relever les défis

Raccourcir la chaîne d’approvisionnement permet aux travailleuse·eur·s de l’artisanat de recevoir une plus grande part du prix final, puisqu’il est réparti entre un nombre inférieur d’acteurs. Cela ne peut fonctionner que si les travailleuse·eur·s s’organisent en coopératives et autres formes collectives au niveau local, puis s’unissent en organisations nationales comme HomeNet Kenya, afin de renforcer leur pouvoir de négociation et leur accès aux marchés. Les coopératives peuvent aussi offrir des services financiers, tels que l’épargne et le crédit, aidant ainsi les travailleuse·eur·s à gérer leurs revenus et à investir dans leur activité. HomeNet Afrique collabore avec les réseaux nationaux pour encourager les travailleuse·eur·s de l’artisanat à s’organiser sur la base de leurs objectifs communs.

Au Kenya, les travailleuse·eur·s non-salarié·e·s dépendant·e·s à domicile se sont organisé·e·s au sein de HomeNet Kenya et ont créé leur propre coopérative d’épargne et de crédit, ce qui leur permet d’épargner, d’emprunter et de réinvestir leurs bénéfices. Cela montre à quel point l’organisation peut être déterminante.

Grâce à leurs organisations, elles·ils ont aussi accès à plus de formations sur ce dont le marché a besoin, mais aussi sur la façon de gérer leur activité.

Le rôle des gouvernements africains

Les gouvernements des pays en voie de développement privilégient souvent les investissements directs étrangers au détriment du soutien aux industries locales. Or, le secteur de l’artisanat nécessite relativement peu d’investissements pour générer des bénéfices substantiels. En garantissant l’accès aux matières premières, en renforçant les compétences et en assurant l’accès au marché, les gouvernements peuvent améliorer de manière considérable les moyens de subsistance des travailleuse·eur·s de l’artisanat. En outre, l’organisation d’expositions locales et l’intégration de ces travailleuse·eur·s dans les circuits touristiques pourraient contribuer à augmenter leurs ventes.

Les revenus issus de l’artisanat, en particulier pour les femmes, subviennent directement aux besoins de leurs familles, ce qui en fait un secteur méritant une attention et un soutien particuliers de la part des gouvernements.


Edwin Bett est conseiller technique de HomeNet Kenya, coordinateur régional de HomeNet Afrique et membre du comité exécutif de HomeNet International.Pour en savoir plus sur les chaînes d’approvisionnement en Afrique, lisez ce document de référence de WIEGO : Les chaînes d’approvisionnement de l’artisanat en Afrique : consolidation de nos résultats.


Photo en haut de page : Travailleuse à domicile, Tanzanie, Ouganda.