Des récupératrice·eur·s de matériaux à Mexico, au Mexique, ont décrit la souffrance que leur cause l’absence de toilettes ou d’installations d’hygiène dans les décharges où elles·ils travaillent. Malgré les demandes répétées à la mairie pour identifier un endroit sur les sites où elles·ils puissent construire leurs propres installations sanitaires, cela n’a pas encore eu lieu. Par conséquent, les récupératrice·eur·s de matériaux subissent toutes sortes de discriminations dans les transports publics. Les considérant comme sales, souvent les conductrice·eur·s de bus ne s’arrêtent pas pour les prendre et les récupératrice·eur·s doivent attendre des heures à l’arrêt avant qu’un bus ne les laisse monter.
Ces expériences ont été partagées lors d’une réunion qui s’est tenue fin juin à Mexico entre des représentant·e·s des travailleuse·eur·s de l’informel et des fonctionnaires de la Commission nationale des droits humains (CNDH) du Mexique, ce qui constitue une étape importante dans l’inscription des droits de ces travailleuse·eur·s à l’ordre du jour de la plus haute instance des droits humains au Mexique.
Lors de ce qui a été leur premier échange direct, les représentant·e·s des travailleuse·eur·s de l’informel et les responsables du programme des droits économiques, sociaux et culturels de la CNDH ont discuté des conditions de vie et de travail de ces travailleuse·eur·s, des cadres d’action publique et des voies possibles pour défendre leur droit au travail.
Beatriz Rojas-Venegas, conseillère parlementaire auprès de la Chambre des représentants, a déclaré aux autres participant·e·s à la fin de la table ronde (mesa) que le fait d’entendre directement les représentant·e·s des travailleuse·eur·s de l’informel l’a aidée à prendre conscience de la complexité de l’emploi informel. Elle a affirmé que l’échange a permis une « proximité » avec des problèmes dont elle n’avait aucune connaissance auparavant.
Cette mesa a été le résultat du plaidoyer mené par WIEGO en faveur de l’adoption, par la commission, d’un programme de promotion des droits des travailleuse·eur·s de l’informel. Des représentant·e·s de collectifs de travailleuses domestiques, de travailleuse·eur·s non salarié·e·s, de vendeuses de métro, de vendeuse·eur·s de rue et de récupératrice·eur·s de matériaux ont partagé avec la commission les obstacles qu’elles·ils rencontrent pour augmenter leurs revenus et leur sécurité au travail.
Les obstacles que rencontrent les travailleuse·eur·s de l’informel
La nécessité de services de garde d’enfants a été mise en avant. Les récupératrice·eur·s de matériaux vivent loin des décharges pour la plupart et doivent souvent laisser leurs enfants à la garde de membres de leur famille pendant de longues heures, lorsqu’elles·ils travaillent. Et dans les cas où cela est impossible, elles·ils se sentent obligé·e·s de laisser leurs enfants seul·e·s à la maison : en effet, si elles·ils ne travaillent pas, elles·ils n’ont pas les moyens de nourrir leur foyer. Les représentant·e·s des récupératrice·eur·s de matériaux à la mesa ont dit que le gouvernement leur avait en effet offert une alternative de garde d’enfants, mais les frais de transport quotidiens pour s’y rendre étaient égaux ou supérieurs à leur revenu journalier.
Les participant·e·s de la mesa ont parlé de membres de la police qui menacent les vendeuses de métro d’enlever leurs enfants si elles amènent celles·ceux-ci au travail. De nombreuses vendeuses de métro sont des mères célibataires qui vivent dans des zones ravagées par la criminalité et manquent de réseaux familiaux qui leur permettraient de laisser leurs enfants en sécurité. Elles amènent donc leurs enfants au travail pour assurer leur sécurité et non parce qu’elles veulent que leurs enfants travaillent. Pourtant, la police les accuse souvent d’exploitation infantile et retire les enfants à leur mère.
En plus de raconter comment la police les frappe fréquemment et confisque leurs outils de travail, les vendeuse·eur·s de métro participant à la mesa ont également fait état de détentions arbitraires, lorsque la police arrête des personnes connues pour vendre dans le métro, plutôt que d’appréhender les personnes surprises en train de vendre dans une zone interdite.
Lors des discussions sur le travail formel, les représentant·e·s des travailleuse·eur·s de l’informel ont souligné que l’État ne se concentre que sur des formes punitives de formalisation, la fiscalité étant sa priorité. Elles·ils ont souligné que, même si le ministère des finances prétend que les travailleuse·eur·s de l’informel n’auraient aucun droit parce qu’elles·ils ne paient pas d’impôts, en réalité, il n’existe aucune loi au Mexique stipulant que les droits découlent du paiement d’impôts. Les représentant·e·s ont également rappelé que le point de vue exclusivement négatif de l’État détourne l’attention de la recherche de solutions pour sortir du travail de subsistance.
La nécessité d’une réforme de la législation
Il a été question de deux propositions importantes de changement de politiques pour garantir le droit au travail des travailleuse·eur·s de l’informel. La première concerne une réforme constitutionnelle, car la Constitution mentionne l’emploi salarié mais elle ne dit rien sur le travail indépendant. Il faut aussi une législation fédérale qui apporte une protection à l’emploi informel.
La deuxième proposition consiste à introduire une législation secondaire incluant les travailleuse·eur·s de l’informel et allouant un budget à la défense de cela, étant donné que la Constitution prévoit des lois de sécurité sociale afin de protéger les travailleuse·eur·s non salarié·e·s.
Les conclusions de la mesa seront intégrées dans le rapport 2023 de la CNDH sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui orientera ses stratégies de plaidoyer en faveur du droit au travail. Il s’agit d’un progrès significatif, étant donné que la commission n’a jusqu’à présent jugé les violations du droit humain au travail que par rapport aux « relations de travail subordonnées » et jamais par rapport aux travailleuse·eur·s de l’informel.
Avec une autre mesa prévue, à laquelle seront invitées les autorités gouvernementales, ces réunions promettent un processus d’écoute important qui peut aboutir à un véritable changement pour les travailleuse·eur·s de l’informel du Mexique, qui constituent plus de 60 % de la population active du pays.
Photo du haut : Un·e récupératrice·eur de matériaux à Mexico en 2019. Source : Lorena Reyes-Toledo
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