La pandémie de la COVID-19 a eu de graves répercussions sur les récupératrice·eur·s de matériaux au Brésil, qui n’avaient pas la protection nécessaire pour exercer sans risques leur activité et ainsi conserver leurs moyens de subsistance. Le projet de WIEGO CataSaúde Viraliza (« La santé dans la récup devient virale ») –un cours en ligne de renforcement des
Nous avons conçu et mis en œuvre ce projet conjointement avec plusieurs partenaires, dont le Mouvement national des récupératrice·eur·s de matériaux recyclables du Brésil (MNCR), l’Institut Nenuca pour le développement durable (INSEA), l’Observatoire pour le recyclage inclusif (ORIS), le Centre d’alternatives de production (« Núcleo AlterNativas de Produção ») de l’Université fédérale du Minas Gérais et « Pimp my Carroça » [un mouvement de visibilité de récupératrice·eur·s].
Une équipe de 40 personnes issues des différents partenariats a collaboré à distance dans le but d’animer ce cours, auquel 456 participant·e·s se sont inscrit·e·s en mars 2021. En outre, nous avions une liste de retransmission contenant près de 150 récupératrice·eur·s de matériaux qui, sans être formellement inscrit·e·s au cours, pouvaient accéder à son contenu (mais sans pouvoir participer aux groupes interactifs de discussion sur WhatsApp). Parmi les participant·e·s inscrit·e·s, un peu plus d’un quart étaient des travailleuse·eur·s autonomes et plus de 60 % des récupératrices de matériaux. Nous avons fini par avoir 200 followers supplémentaires sur YouTube et presque 400 sur Facebook, des femmes pour la plupart.
Ce fut une expérience unique pour beaucoup de travailleuse·eur·s qui, pour la première fois, échangeaient leurs expériences avec des récupératrice·eur·s de matériaux à l’autre bout de ce vaste pays qu’est le Brésil, et même de l’Amérique latine. C’est le caractère numérique particulier du cours qui a rendu cela possible et qui a permis un large éventail de participant·e·s.
Pour une dirigeante du MNCR, Madalena Duarte, « CataSaúde a été un jalon » qui a encouragé les récupératrice·eur·s de matériaux « à se développer ».
Le recours à des outils populaires d’éducation et de communication, tels que l’utilisation d’un langage adapté et de formats variés, notamment la vidéo, l’audio et des fiches, ont été des éléments clés du cours. C’est grâce à un flux continu de communication que les participant·e·s ont maintenu leur engagement.
Le cours s’est déroulé à l’aide de trois plateformes numériques. Nous avons discuté sur le contenu de chaque module sur WhatsApp qui faisait office de salle de cours, et nous avons prévu plusieurs moments pour que les participant·e·s prennent part à des échanges. Facebook, pour sa part, a servi de bibliothèque pour consulter le contenu du cours et les ressources complémentaires. À travers les Facebook Lives (évènements en direct) ouverts et interactifs et sur YouTube, le projet a rendu possible des discussions basées sur les expériences des travailleuse·eur·s, ainsi que sur un contenu de qualité concernant différentes questions thématiques –y compris avec des bureaucrates et des expert·e·s techniques– pour un public plus large de récupératrice·eur·s de matériaux. Les évènements en direct démarraient toujours par un court sketch de clown pédagogique (en portugais).
L’accent a été mis sur la participation des récupératrice·eur·s de matériaux, y compris lors de la création du cours, en aidant à choisir les thématiques d’étude et en organisant les sketchs de théâtre. Nous avons abordé une grande diversité de thématiques, notamment la vie dans le secteur de la récupération en temps de pandémie ; l’amélioration des systèmes de collecte sélective de déchets et la protection des récupératrice·eur·s de matériaux pendant la COVID-19 ; ainsi que les vaccins, les stratégies économiques et la sécurité sociale, un sujet ajouté suite à la demande des récupératrice·eur·s.
Ce sont surtout les participant·e·s qui ont diffusé les informations et ont fait office de mobilisatrice·eur·s pour les protocoles face à la COVID-19. D’après notre sondage final, les participant·e·s ont déclaré avoir une meilleure compréhension de ces protocoles après avoir suivi le cours.
Nous avons organisé deux séances visant à faciliter la création de liens entre les récupératrice·eur·s de matériaux de l’Amérique latine. Ces échanges ont été l’occasion de parler de CataSaúde Viraliza et du soutien apporté au secrétariat du mouvement brésilien des récupératrice·eur·s de matériaux dans le cadre du financement. Nous avons également invité des participant·e·s d’autres pays –comme la Colombie, l’Argentine et le Chili– à partager leurs expériences dans la lutte contre la COVID-19. C’était une séance très importante, car elle a donné à nos participant·e·s l’occasion d’interagir avec des travailleuse·eur·s de différents pays, surtout pour celles·ceux qui le faisaient pour la première fois.
Tout ce dont les récupératrice·eur·s de matériaux participant au cours nous ont fait part témoigne de liens plus étroits entre les récupératrice·eur·s organisé·e·s et autonomes. Un récupérateur non-organisé déclarait ceci :
« Je suis très heureux d’avoir participé à cette interaction, de rencontrer toutes ces personnes. Elle m’a fortement marqué. Je me sens représenté par vous et ce parcours d’apprentissage a été gratifiant, d’échange d’idées, et pas uniquement sur ce que nous endurons. Toute la discussion sur l’EPI a été utile et pour de nombreux moments de notre quotidien. Ce sont des choses qui peuvent contribuer à ce qu’un·e récupératice·eur de matériaux se sente valorisé·e, à rendre le travail plus digne. »
Le cours a créé un espace sûr au bénéfice des récupératrice·eur·s de matériaux qui leur a permis d’échanger des expériences et des idées, surtout face à l’isolement que beaucoup vivaient à l’époque.
« Le contenu a permis de lever des interrogations sur la COVID-19. Le cours est arrivé au bon moment, alors qu’il y avait une forte pression psychologique. La participation au groupe et aux évènements en direct m’a servi de thérapie. » – Evaldo Cristiano Garcia, un récupérateur de matériaux autonome.
Le cours a également servi à sensibiliser les leaders des récupératrice·eur·s de matériaux aux défis personnels qu’affrontent les travailleuse·eur·s dans des circonstances diverses. Nous avons maintenant mis en place un groupe WhatsApp pour discuter de problèmes locaux, de sorte que les informations soient décentralisées et contribuent à aborder des questions spécifiques touchant les travailleuse·eur·s dans certaines localités.
Par le biais de ce projet, nous avons apporté un soutien matériel immédiat à quinze actions locales d’entraide dans dix villes du Brésil –tel que de l’équipement de protection individuelle, du désinfectant pour les mains, des paniers alimentaires–. Suivant l’endroit, les travailleuse·eur·s ont pu entamer un dialogue avec des agent·e·s de la municipalité et faire part de leurs besoins, dans certains cas même en matière de vaccin.
Après le cours, on a proposé aux participant·e·s la possibilité de rejoindre les groupes existants de WhatsApp, dont un créé par le mouvement national des récupératrice·eur·s de matériaux et un autre mixte. Et beaucoup les ont rejoints.
Parmi les facteurs clés du succès de CataSaúde, figurent l’engagement, le dévouement et la créativité de toute l’équipe : la coordination, les formatrice·eur·s, les animatrice·eur·s en ligne et les « catadores » [récupératrice·eur·s] qui ont travaillé à la mobilisation. À une époque où régnaient l’incertitude, le stress et le deuil, l’utilisation de perspectives interdisciplinaires et la construction d’un réseau de solidarité à travers le pays ont aidé CataSaúde à maintenir son élan.
Outre une meilleure connaissance des protocoles pour la COVID-19 et pour la sécurité sur les lieux de travail, l’une des grandes réalisations de ce cours en ligne fut l’instauration de relations basées sur la confiance entre les travailleuse·eur·s organisé·e·s et autonomes et les partenaires. Nous espérons que ces synergies se révèleront utiles lors des actions collectives à venir.
Le projet a été financé par l'Open Society Foundations et par WIEGO.
Photo en haut : Annonce du projet CataSaúde Viraliza au Brésil
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