Des milliers de travailleuse·eur·s à domicile réparti·e·s dans la province pakistanaise du Sindh ont remporté une victoire historique en mai 2018 avec la promulgation de la Loi sur les travailleuse·eur·s à domicile du Sindh, le premier texte de loi en Asie du Sud uniquement destiné à ce secteur de travailleuse·eur·s.
La loi est le résultat de plus de deux décennies d'organisation et de plaidoyer, et donne à environ 5 millions de travailleuse·eur·s à domicile dans le Sindh le droit de se syndiquer et de négocier collectivement, la protection sociale, et l'accès aux mécanismes de résolution des conflits.
Voici comment elles·ils s'y sont pris·es.
Les travailleuse·eur·s à domicile au Pakistan travaillent dans différentes industries, fabriquant des vêtements, des tapis, des sacs, des bâtons d'encens, des ballons de football, des broderies, des bracelets, des bijoux, des chaussures et des aliments. Le travail est effectué pour les chaînes d'approvisionnement nationales et mondiales. Ces travailleuse·eur·s à domicile sont employé·e·s par des usines ou des ateliers par le biais de contractant·e·s ou d'intermédiaires et sont payé·e·s à la pièce. Elles·ils opèrent à partir de leur domicile ou des endroits situés à proximité de leur domicile.
Les travailleuse·eur·s à domicile sont traité·e·s comme des entrepreneuse·eur·s indépendant·e·s ou des micro-entreprises alors qu'en réalité, elles·ils sont des employé·e·s déguisé·e·s. Elles·ils n'ont pas de contrat de travail, ne bénéficient pas de l'application du salaire minimum, n'ont pas accès aux droits de sécurité sociale tels que les pensions, la couverture médicale ou les prestations de maternité, ni aux mécanismes de résolution des conflits. Elles·ils assument des coûts de production supplémentaires tels que le coût de l'espace de travail, des équipements, des matériaux, de l'électricité et du transport.
Le nombre exact de travailleuse·eur·s à domicile au Pakistan n'est pas clair. Les chiffres officiels de 2017/18 suggèrent qu'il y avait 2,47 millions de travailleuse·eur·s à domicile occupant un emploi non agricole, mais ce chiffre peut ne pas inclure tou·te·s les travailleuse·eur·s à domicile. Des estimations informelles suggèrent un nombre beaucoup plus élevé, environ 20 millions.
Maison par maison
En 2011, conscient·e·s que les droits légaux des travailleuse·eur·s à domicile ne seraient pas promulgués si elles·ils restaient invisibles, des activistes et des syndicalistes pakistanais·es ont commencé à établir le contact avec les travailleuse·eur·s à domicile en allant de maison en maison et en demandant aux travailleuse·eur·s de leur parler d'autres travailleuse·eur·s à domicile.
Les activistes et les syndicalistes ont décidé de créer des coopératives où les travailleuse·eur·s à domicile pourraient discuter librement de leurs problèmes, travailler ensemble, développer leurs compétences et défendre leurs droits. Les travailleuse·eur·s avaient un large éventail de préoccupations allant au-delà du salaire minimum, de la sécurité sociale et de leur reconnaissance légale en tant que travailleuse·eur·s. Elles·ils ont également discuté des préoccupations quotidiennes, notamment le transport, l'électricité, la sécurité du logement et la violence à l'égard des femmes. Les travailleuse·eur·s à domicile ont commencé à approcher les fonctionnaires du ministère du Travail, l'Institut de sécurité sociale et le Workers Welfare Board [Conseil de protection sociale des travailleuse·eur·s] pour leur faire part de leurs préoccupations concernant le paiement des salaires et la sécurité sociale.
Lorsque la force d'organisation des travailleuse·eur·s à domicile s'est développée grâce à ces coopératives, elles·ils ont consulté des organisations alliées pour décider des prochaines étapes à suivre pour renforcer leur position juridique. C'est à ce moment-là, lors de discussions avec la Fédération nationale des syndicats (NTUF), que l'idée de former un syndicat a mûri. S'appuyant sur le droit constitutionnel garanti par l'article 17 qui permet à toute personne de former une association ou un syndicat, elles·ils ont demandé de devenir un syndicat. Trois syndicats différents ont été formés en 2009, deux à Quetta et un à Hyderabad.
La même année, la Fédération des travailleuses à domicile (HBWWF) s'est enregistrée en tant que fédération –un réseau global pour les syndicats– avec 1 000 membres. Aujourd'hui, la HBWWF compte plus de 4 000 membres.
Reconnaissance juridique
S'appuyant sur des années d'organisation menées par les travailleuse·eur·s à domicile au sein de la Fédération, la HBWWF a commencé à plaider pour une législation provinciale dans le Sindh en 2010, car la province possède un mouvement syndical particulièrement actif et un climat politique favorable, avec des partis politiques comprenant des représentant·e·s de la classe ouvrière.
Le résultat de leur plaidoyer, la Loi sur les travailleuse·eur·s à domicile du Sindh, 2018, a été une réussite importante : elle donne aux travailleuse·eur·s à domicile une reconnaissance juridique en tant que « salarié·e·s » et a des implications étendues car elle s'applique à tous les secteurs et a le potentiel d'atteindre de nombreuses travailleuse·eur·s à domicile. La loi donne à environ 5 millions de travailleuse·eur·s à domicile du Sindh le droit de se syndiquer et de négocier collectivement, de bénéficier d'une protection sociale et d'accéder à des mécanismes de résolution des conflits.
Chercher à faire respecter la loi
Bien que la promulgation de la législation soit un motif de réjouissance, la lutte pour la réalisation des droits des travailleuse·eur·s se poursuit.
L'une des premières étapes de la mise en œuvre de la loi consiste à identifier et à enregistrer les travailleuse·eur·s, et ce n'est qu'après démarche qu'elles·ils peuvent accéder à la protection sociale. La·le premier·ère travailleuse·eur à domicile a été enregistré·e en décembre 2020, soit deux ans après l'adoption de la loi. Le retard dans l'enregistrement a fait que les travailleuse·eur·s à domicile n'ont pas pu accéder aux transferts monétaires d'urgence du gouvernement pendant la pandémie de la COVID-19 et les restrictions qui ont suivi.
L'inclusion de la protection sociale est importante, bien que sa mise en œuvre soit en suspens car les lois sur le travail doivent être modifiées pour refléter ce changement.
La création d'un Conseil des travailleuse·eur·s à domicile –chargé de suivre et de superviser l'identification et la cartographie des travailleuse·eur·s à domicile, ainsi que l'enregistrement des travailleuse·eur·s à domicile et des employeuse·eur·s– et celle d’un Comité d'arbitrage sont deux autres éléments en attente de mise en œuvre.
Il reste encore du travail à faire, mais les mesures prises jusqu'à présent par la HBWWF sont cruciales pour faire avancer leur plaidoyer en faveur de la ratification et de la concrétisation des droits prescrits aux travailleuse·eur·s à domicile par la Convention de l'OIT sur le travail à domicile (C177).
Ce blog est un résumé de la note d’information sur l’organisation n° 13 de WIEGO, publiée en décembre 2022 et rédigée par Zehra Khan, secrétaire générale de la HBWWF, et Krithika A. Dinesh, avocate et chercheuse indienne travaillant avec le Programme Droit de WIEGO.
Photo du haut : Travaille•eur•s à domicile, Lahore, Pakistan, 2014. Crédit photo : WIEGO.
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