Les foyers font doublement office de lieux de travail pour de nombreux habitants urbains démunis, en particulier les femmes

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Meenaben at work in her home
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À l’échelle mondiale, avant la pandémie de la COVID-19, 260 millions de femmes et d’hommes produisaient des biens ou fournissaient des services depuis leur foyer ou à proximité : 86 % (224 millions) se trouvaient dans des pays en développement et émergents et 14 % (35 millions) dans des pays développés. Pendant la pandémie de la COVID-19, d’innombrables autres travailleuse·eur·s –principalement des travailleuse·eur·s de bureau– ont commencé à travailler à distance depuis leur domicile par le biais d'Internet.

Il existe d’importantes différences entre les personnes qui travaillaient traditionnellement à domicile et celles qui travaillent aujourd'hui à domicile comme une nouveauté : des différences selon le type de travail (professionnel et administratif par opposition à l'industrie manufacturière à forte intensité de main-d'œuvre et aux services bas de gamme), selon la classe (classes moyenne et supérieure par opposition à la classe ouvrière) et selon le lieu de résidence (grandes maisons dans les quartiers de classe moyenne par opposition aux petites maisons dans les quartiers à faible revenu ou les établissements informels).

Mais la différence essentielle est que de nombreuses·eux « ancien·ne·s » travailleuse·eur·s à domicile ont perdu leur travail et leurs revenus pendant la récession provoquée par la pandémie de la COVID-19 car la demande de leurs biens et services a diminué, tandis que les « nouvelles·aux » travailleuse·eur·s à domicile ont pu continuer de travailler et de percevoir leur salaire. Comparé·e·s aux autres travailleuse·eur·s de l’informel, ces « ancien·ne·s » travailleuse·eur·s à domicile ont subi des baisses de travail et de revenus plus importantes et ont été moins en mesure de se rétablir pendant la récession causée par la pandémie. Une étude longitudinale menée par WIEGO sur l’impact de la récession provoquée par la pandémie de la COVID-19 sur les travailleuse·eur·s de l’informel –réalisée dans 11 villes du monde– a révélé que les travailleuse·eur·s à domicile ont subi la plus forte baisse de travail et de revenus pendant le pic des périodes d’isolement social obligatoire et de restrictions en avril 2020 et ont été les moins en mesure de se rétablir à la mi-2020, par rapport aux travailleuses domestiques, aux vendeuse·eur·s de rue, commerçant·e·s de marché et aux récupératrice·eur·s de matériaux. À la mi-2021, entre 80 et 90 % des trois autres groupes avaient pu reprendre le travail, contre 65 % des travailleuse·eur·s à domicile.

Il convient de noter que la reprise des revenus a été inférieure à la reprise du travail pour les quatre groupes à la mi-2020 et à la mi-2021 ; et que tous les groupes avaient épuisé leurs économies et s’étaient endettés davantage.

La récession causée par la pandémie de la COVID-19 a non seulement eu un impact disproportionné sur les travailleuse·eur·s de l’informel, en particulier les travailleuse·eur·s à domicile, mais a également exposé et exacerbé les contraintes structurelles auxquelles les travailleuse·eur·s de l’informel étaient confronté·e·s avant la crise. Dans le cas des travailleuse·eur·s à domicile, les principales contraintes étaient la mauvaise qualité, le manque de sécurité d’occupation et l'espace réduit de leurs maisons (qui sont également devenues leurs lieux de travail), le manque de services d'infrastructure de base pour les maisons devenues des lieux de travail, accès non sécurisé aux commandes de travail de travail (dans le cas des travailleuse·eur·s sous-traitant·e·s) et aux acheteurs ou client·e·s (dans le cas des travailleuse·eur·s indépendant·e·s), et les conditions d'emploi ou de commerce défavorables.

Afin de mettre en évidence les défis auxquels sont confronté·e·s les « ancien·ne·s » travailleuse·eur·s à domicile ainsi que les efforts déployés pour relever ces défis, le réseau WIEGO a commandé des documents sur le travail de Mahila Housing Trust, une institution partenaire de l’Association des Femmes Indépendantes de l’Inde (SEWA), pour favoriser la sécurité d’occupation et fournir des services d'infrastructure de base, tels que l'eau, l'électricité et l'assainissement, aux ménages des établissements informels, y compris les foyers qui servent également de lieu de travail ; et a commandé une cartographie de la répartition des travailleuse·eur·s à domicile à Delhi, en Inde, qui a montré les liens existants avec les parcs industriels et les marchés en gros qui leur externalisent du travail.

Documenter le travail de Mahila Housing Trust

Mahila Housing SEWA Trust (MHT) travaille depuis plus de 25 ans à l'amélioration de la qualité des logements dans les établissements informels des villes indiennes. Les interventions de MHT visent à promouvoir l'accès à l'eau, à l'électricité et à l'assainissement à l'échelle pour les ménages, à améliorer la conception et l'aménagement des maisons pour des besoins spécifiques de travail et de stockage, à encourager leur permanence dans les colonies de réinstallation de Delhi et, plus récemment, à plaider pour une meilleure et plus sûre connectivité de transport vers les établissements démunis d'Ahmedabad –des actions ayant des effets de grande envergure sur le bien-être et la productivité économique des travailleuse·eur·s à domicile–.

MHT utilise trois stratégies interdépendantes pour rendre les environnements à domicile plus sûrs, plus sains et plus productifs. Il s’agit de : 1) l’amélioration de l’environnement physique, 2) la promotion de l’efficacité énergétique et de la résilience climatique, et 3) l’intégration des besoins des travailleuse·eur·s à domicile dans les plans et politiques de la ville.

Meenaben est l'une des travailleuses à domicile soutenues par MHT pour améliorer ses conditions de vie et de travail. Elle vivait avec sa famille dans une maison avec peu de lumière naturelle et un toit en tôle qui chauffait en été et fuyait quand il pleuvait. Cela endommageait ses matières premières et ses produits finis, l'empêchant d'accepter davantage de travaux par crainte qu'ils ne soient abîmés. Au fil des ans, avec le soutien de la MHT, Meenaben a installé un nouveau toit équipé de panneaux solaires pour produire de l'électricité et a construit une pièce pour stocker ses matériaux. Après avoir travaillé avec MHT en tant que leader communautaire depuis 2004, elle interagit maintenant avec le gouvernement local pour améliorer les conditions de vie et de travail des autres membres de sa communauté.

Cartographie de la répartition des travailleuse·eur·s à domicile à Delhi

La géographie ou la spatialité de l’endroit où les travailleuse·eur·s de l’informel vivent et travaillent dans la ville est très importante pour le plaidoyer des politiques. Dans le cadre de son initiative Villes focales, l’équipe de WIEGO à Delhi a largement documenté la manière dont les maisons individuelles et, plus généralement, les établissements informels où vivent les travailleuse·eur·s deviennent également leurs espaces de travail. Avec l'organisation Social Design Collaborative, il a été mis en évidence différents aspects du travail à domicile dans des cartes de répartition du travail à domicile dans la région de Delhi, en indiquant les typologies d'habitat (bidonvilles et bastis, villages urbains, colonies de réinstallation et établissements non autorisés), la densité de la forme de construction et la localisation des fournisseuse·eur·s et des acheteuse·eur·s les plus proches (marchés en gros, parcs industriels). Il analyse en profondeur également la micro-échelle pour indiquer le flux de travail et de produits au niveau du quartier, ainsi que les nombreux problèmes rencontrés par les travailleuses en raison de la petite taille et du manque de services de base des ménages où elles travaillent.

L’histoire de Savda Ghevra, une colonie de peuplement située à l'ouest de Delhi, est un exemple des difficultés de subsistance auxquelles sont confrontées les personnes démunies lorsqu'elles sont expulsées et déplacées du centre de la ville vers la périphérie. Les personnes qui habitent Savda Ghevra, toutes défavorisées et originaires de la ville, ont été subitement relogées en 2006 dans cette zone de réinstallation isolée où les logements, les transports et les infrastructures physiques ont dû être créés de toutes pièces avec l'aide de MHT.

HomeNet International est une fédération mondiale de 36 organisations de travailleuse·eur·s à domicile de 20 pays, comptant au total plus de 600 000 membres. Ces ressources sont conçues pour aider les affilié·e·s de HomeNet International et d’autres organisations de travailleuse·eur·s à domicile à plaider pour la sécurité d'occupation et des services d'infrastructure de base, y compris l'électricité et d'autres sources d'énergie, à leur domicile-lieu de travail.

Trouvez plus d'informations et les ressources mentionnées ci-dessus sur notre site web consacré à La maison comme lieu de travail ici.

Retrouvez les documents du travail de MHT –telle que préparée par City Collab, une société de conseil basée à Ahmedabad– ici. Retrouvez les ressources préparées par l'équipe de travail de WIEGO de la Ville focale de Delhi et l’organisation Social Design Collaborative ici : La maison comme lieu de travail et Construire Savda Ghevra : une histoire de réinstallation à Delhi.


Photo du haut : Meenaben au travail dans sa maison. Crédit : MHT
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