Le hall était peuplé de délégations officielles, de représentant·e·s, d’écologistes, d’activistes et d’organisatrice·eur·s venant de plus de 150 pays représentés à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) 5.2 à Nairobi, au Kenya.
J’étais assis au fond de la salle avec Soledad Mella, présidente de l’Association nationale des récupératrice·eur·s du Chili et représentante de l’Alliance mondiale des récupératrice·eur·s. Angoissé·e·s et seul·e·s, nous attendions le commencement des événements. Soledad, en tant que représentante des récupératrice·eur·s de matériaux, comme groupe de travailleuse·eur·s, allait s’adresser à l’assemblée.
Notre marche vers la tribune a été fort longue, remplie d’excitation, d’anxiété et d’autres émotions. C’était le moment que nous avions planifié pendant des années.
Quand le tour de parole est venu à Soledad, tout le monde dans la salle a fixé son regard sur elle, s’apprêtant à écouter son discours attentivement. Lors de son intervention en espagnol, ses mots ont été traduits simultanément en anglais, français, arabe, russe et mandarin. Soledad a été accordée deux minutes de temps de parole, pendant lesquelles elle a livré les grandes lignes de la vision et des inquiétudes que font naître, chez les récupératrice·eur·s de matériaux, les négociations portant sur un traité mondial contre la pollution plastique.
Même si son micro a été coupé à deux minutes et demie du début de son discours, elle a poursuivi en battant son plein, rayonnante de confiance. C’était un moment crucial tant pour les récupératrice·eur·s que pour Soledad. Une fois son intervention finie, elle a quitté la tribune, les mains tremblantes, un air de satisfaction sur son visage. Nous avions réalisé ce pourquoi nous étions venu·e·s, nous avions représenté les souhaits et les inquiétudes de millions de récupératrice·eur·s de matériaux.
Avec ce discours, nous avons annoncé notre entrée en lice pour réussir. Nous avons déclaré que, sans nous, les pouvoirs publics du monde ne peuvent pas tenir des discussions sur la réduction de la pollution plastique. Notre intervention devant l’assemblée a fait l’objet de louanges de la part des États membres. L’ambassadrice du Chili, Mme. Maria Alejandra Guerra, est sortie à la rencontre de toute la délégation de l’Alliance mondiale des récupératrice·eur·s. Et ce n’était que le début.
Après le discours de Soledad, nous nous sommes installé·e·s à l’extérieur de la salle où se déroulait l’ANUE. Nous portions des teeshirts arborant « Global Alliance of Waste Pickers », aux logos des organisations des récupératrice·eur·s du monde entier. Nous voilà –Sushila Sable de l’Inde, Silvio Ruiz-Grisales de la Colombie, John Xavier du Kénya, avec Soledad du Chili– portant nos teeshirts, notre document de position à la main, prêt·e·s à rencontrer les représentant·e·s des États membres. Et notre tenue remarquable a attiré leur attention. Des délégué·e·s de la Colombie, du Brésil, de l’Uruguay, de l’Inde, ainsi que la plupart des gens qui quittaient la salle tombaient sur nous. Nous les avons suivi·e·s vivement dans le but de rallier leur soutien pour les récupératrice·eur·s de matériaux lors des négociations portant sur un traité contre la pollution plastique et afin de faire campagne pour la participation effective des récupératrice·eur·s à ces négociations. Ces quatre journées-là sont parmi les plus intenses de nos vies. Au bout du compte, nous avons réussi à écrire une partie de l’histoire. La résolution de l’ANUE-5.2 a fait mention des récupératrice·eur·s de matériaux. Pour la première fois, il y a eu une résolution environnementale faisant référence aux travailleuse·eur·s de l’informel. Nous avons versé quelques larmes de joie et partagé un sentiment de victoire. Et tout a commencé par la marche pleine d’anxiété vers la tribune pour prendre la parole devant l’assemblée.
* Kabir est chargé de coordonner l’Alliance de récupératrice·eur·s de l’Inde et apporte un soutien au programme de proximité de l’Alliance mondiale de récupératrice·eur·s en Asie.