Dans cette interview, Elizabeth Tang, secrétaire générale de la Fédération internationale des travailleuse·eur·s domestiques (FITD), nous partage ce qu’elle espère voir se réaliser dans le monde du travail d’ici 25 ans et évoque l’importance de s’organiser pour les travailleuses domestiques.
Il y a vingt-cinq ans, dans les années 1990, les travailleuses domestiques avaient déjà formé leurs propres organisations dans certains endroits. Cela se passait alors qu’elles étaient invisibles, qu’elles étaient dissimulées. Notre plus grand groupe affilié, qui se trouve en Argentine, a été créé avant la Première Guerre mondiale. Et pourtant, bien que des travailleuses domestiques se soient organisées plus tôt, la plupart des organisations constituant la FITD ont été créées après l’an 2000. Et depuis lors, il y a eu une expansion rapide.
Au cours des 25 prochaines années, nous souhaitons voir les travailleuses domestiques se faire reconnaître comme des travailleuses à part entière et leurs droits bénéficier d’une protection juridique. Il faut que la législation du travail protège leurs droits de la même manière que pour les autres travailleuse·eur·s. Nous souhaitons également que les travailleuses domestiques jouissent de l’égalité des genres.
Ces objectifs figurent en tête de liste de nos travaux actuels. Et pour faire cela, nous aidons les travailleuses domestiques du monde entier à s’organiser et à mener un travail de plaidoyer.
En faisant partie du réseau WIEGO, nous nous savons dans un mouvement bien plus vaste : une famille beaucoup plus large de travailleuse·eur·s de l’informel, qui sont des femmes, qui mènent le même combat pour la reconnaissance, pour des droits, pour la protection sociale. Nous sommes ensemble avec les travailleuse·eur·s à domicile, les vendeuse·eur·s de rue, les récupératrice·eur·s de matériaux.
La FITD, créée en 2013, est issue du Réseau international des travailleuse·eur·s domestiques, en tant que fédération mondiale établie lors d’un congrès fondateur à Montevideo, en Uruguay. Nous avons donc neuf ans à ce jour et il s’agit d’une prouesse grandement soutenue par WIEGO. Cela a commencé en 2006, au moment où des leaders des travailleuses domestiques venant de plusieurs pays ont commencé à s’unir, lors de la toute première conférence des travailleuses domestiques au monde convoquée, elle, par WIEGO, l’UITA (Union internationale des travailleuse·eur·s de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes) et la FNV (Confédération syndicale des Pays-Bas).
Depuis lors, WIEGO soutient les leaders mondiales des travailleuses domestiques afin de faire campagne en faveur de l’adoption de la Convention 189 de l’OIT (la Convention de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, de 2011) et, en même temps, dans le but de bâtir une organisation : la FITD. Partout, les travailleuses domestiques sont en train de s’organiser. Nous sommes en mesure de le faire grâce au soutien ferme de WIEGO, tant pour renforcer les capacités des leaders des travailleuses domestiques dans différents pays, que pour lever des fonds et pour fournir une traduction, même une coordination dans certains endroits, par exemple en Europe.
Nous soutenons nos membres dans la construction d’alliances avec les différentes parties intéressées. Nous espérons que, dans 25 ans, tout ce que nous avons défendu, tout ce pour quoi nous avons fait campagne, nous sera accessible. Nous croyons qu’en travaillant avec nos allié·e·s et nos partenaires, nous pouvons y parvenir.
Ensemble, avec le réseau WIEGO, nous nous battrons pour la reconnaissance, nous lutterons pour un statut formel ; et c’est ainsi que nous allons réussir.
Note : La plupart des travailleuses domestiques (environ 80 %) travaillent dans le secteur informel. Les travailleuses domestiques sont pour la plupart des salariées et les salarié·e·s sont considéré·e·s dans l’informalité lorsqu’elles·ils ne bénéficient pas de congés annuels payés ou d’arrêts-maladie payés, ou si leurs employeuse·eur·s ne versent aucune cotisation à la sécurité sociale pour leur compte et à leur nom. À l’échelle mondiale, les salaires des travailleuses domestiques ne représentent qu’environ 56 % de ceux des salarié·e·s non-domestiques.