Dans cette interview, Gladys Mponda, vice-présidente de l’Union des travailleuse·eur·s de l’informel du Malawi (MUFIS), évoque la valeur de l’organisation, l’importance de la Recommandation nº 204 et la force des femmes.


De toutes les formations et conférences auxquelles j’ai participé, ce qui m’a le plus marqué, c’est le regroupement [des travailleuse·eur·s de l’informelen organisations de base]. Cela m’a vraiment interpellée de voir comment nos ami·e·s s’organisaient dans certains pays, comment elles·ils interagissaient avec leurs gouvernements. J’ai également été touchée par leur travail, ce qu’elles·ils ont réussi à faire.

Notre organisation [MUFIS] a été créée en 2001 et a été inscrite en tant que syndicat en 2004. Nous avons constaté que les gens n’avaient pas la possibilité de s’exprimer et, face à ce besoin, nous avons commencé à nous organiser sur les marchés. Ce sont les femmes qui l’ont compris le plus rapidement, et nous avons eu plus de femmes que d’hommes qui ont adhéré.

Dans les 25 prochaines années, je souhaiterais voir un plus grand nombre de personnes organisées ; par exemple un million de travailleuse·eur·s intégré·e·s à notre organisation. Nous sommes un syndicat et WIEGO nous a aidé·e·s à nous inscrire en tant que tel. Nous en sommes très fière·er·s.

Les recherches montrent que 89 % [des 5,5 millions de travailleuse·eur·s du Malawi] sont en emploi informel. Il est donc toujours possible de nous organiser dans notre secteur et de développer notre organisation.

Pour avancer, les organisations ont besoin des femmes. Les femmes font tout bouger. Dans notre organisation, la plupart des dirigeant·e·s des branches sont des femmes. Les femmes sont tellement fortes, quand elles veulent que quelque chose soit fait, elles sont tellement puissantes.

L’un des moments dont nous sommes le plus fière·er·s a été la signature d’un mémorandum d’entente avec le conseil municipal de Mzuzu. Depuis, notre syndicat s’est développé : nous avons regroupé des membres de la région sud à la région nord. Nous n’étions pas connu·e·s ; maintenant nous faisons des propositions au gouvernement pour qu’il travaille avec nous.

Nous souhaitons que la R204 [la recommandation de l’OIT concernant la transition de l’économie informelle à l’économie formelle] soit appliquée, ce qui n’a pas été le cas dans notre pays. Mais je pense que si nous continuons à faire pression, cela arrivera. Parce que nous aussi nous payons des impôts, nous payons des taxes tous les jours, et le gouvernement détourne le regard du problème.

Une fois que [la R204] sera acceptée, nous pourrons embaucher d’autres personnes. Les gens auront des emplois parce que nos activités seront plus importantes. Selon [une promesse électorale du président du Malawi, Lazarus Chakwera], il y aura un million d’emplois pour les jeunes. Et nous, nous pouvons créer ces emplois.

WIEGO nous a aidé·e·s dans la recherche et dans l’organisation, et nous a permis d’assister à des conférences. Je suis fière de dire que je fais partie des personnes que WIEGO a formées, en matière de protection sociale, de politiques urbaines et de négociations collectives. Je suis aussi fière de tout ce que nous avons accompli et du fait que nous pouvons actuellement former d’autres personnes.

Nous voulons davantage de formations sur la violence basée sur le genre. Nos membres, principalement des femmes, travaillent sur les marchés. Elles se lèvent tôt le matin et se rendent au marché pour passer commande de produits à vendre. Lorsqu’elles rentrent tard dans la soirée, leurs maris les frappent (« Pourquoi étaient-elles en retard ? ») et prennent tout l’argent qu’elles ont économisé et l’utilisent pour boire et s’offrir d’autres femmes. La situation est si grave que si une femme voulait aller acheter d’autres marchandises pour les vendre, elle ne pourrait pas le faire, parce qu’elle a été harcelée, violée par son mari. Nous devons éduquer les gens à ce sujet. Étant donné que dans nos formations il y a des hommes et des femmes, ce serait pertinent d’aborder cette problématique.

Et il y a même des secteurs du marché où les femmes ne sont pas autorisées à ranger leurs marchandises sur des bancs. Nous aimerions que les choses changent, que les activités des femmes se développent, qu’au lieu de devoir poser leurs marchandises au sol, elles aient un stand où vendre et faire des affaires. De cette manière, nous aurons la preuve que les gens apprennent et qu’elles·ils mettent en pratique ce qu’elles·ils apprennent.

  • Ce texte a été modifié pour des raisons de longueur et de clarté. Dans le cadre des célébrations de notre 25e anniversaire, nous sommes en train d’établir le profil des membres institutionnel·le·s de WIEGO : syndicats, coopératives et associations de travailleuse·eur·s de l’informel qui sont actifs au sein de WIEGO.