WIEGO recense les innovations récentes et les exemples de bonnes pratiques, mettant en lumière les réussites et les enseignements que d’autres peuvent tirer de ces expériences.
Dernières innovations
Bonnes pratiquesPartout dans le monde, travailleuse·eur·s et autorités gouvernementales collaborent pour instaurer des lois, des politiques et des pratiques destinées à protéger les droits et à améliorer les conditions de travail dans l’économie informelle.
Afrique
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Avant la révision de la politique ghanéenne en matière de développement des soins à la petite enfance, une évaluation a révélé une nette préférence dans les politiques pour la fourniture de ces services au secteur formel, laissant insuffisamment de place aux besoins des femmes avec des enfants à charge et aux personnes disposant de moyens limités. Étant donné que plus de 91 % des femmes travaillant au Ghana occupent un emploi informel, cette lacune constitue un manquement politique majeur. Dans le cadre de cette révision, un groupe de référence –réunissant des parents d’enfants fréquentant des garderies de marché, des représentant·e·s d’organisations du commerce informel, des professionnel·le·s de la petite enfance, des fonctionnaires et des expert·e·s du secteur– a élaboré en concertation des directives et des normes spécifiques pour les crèches situées dans les marchés et leurs environs au Ghana. Ces lignes directrices couvrent des aspects tels que les structures de gouvernance, le financement, les spécifications de construction et les procédures administratives pour les garderies de marché. Le commerce de marché et la vente de rue représentant une source majeure d’emploi pour les femmes dans de nombreux pays, ces directives peuvent servir de modèle à adapter ailleurs.
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L’expérience de la KAMBE SACCO met en lumière l’importance de l’épargne comme filet de sécurité pour les travailleuse·eur·s de l’informel en cas de crise. Durant l’isolement social obligatoire de la COVID-19 en Ouganda, alors que les conductrice·eur·s de boda-boda étaient empêché·e·s de travailler et de subvenir à leurs besoins, deux tiers des membres de la KAMBE SACCO ont dû puiser dans leurs économies pour couvrir des dépenses vitales telles que la nourriture pour leurs familles, n’ayant accès à aucun autre soutien.
Hors des périodes de crise, la force et la polyvalence de la KAMBE SACCO résident dans la diversité de ses services de prêt. Elle propose des financements aussi bien pour des activités professionnelles (comme les prêts pour les motos boda-boda) que pour les besoins personnels des ménages (prêts fonciers, prêts pour les frais de scolarité et pour les appareils ménagers). Cette approche pourrait même évoluer pour inclure des aspects de protection sociale, tels que l’assurance-maladie.
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La Chambre des associations de l’économie informelle du Zimbabwe (ZCIEA) a mobilisé la Recommandation 204 de l’OIT sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle pour négocier avec les autorités locales, aboutissant à la signature de 19 protocoles d’accord dans des municipalités du pays. Bien que ces protocoles ne soient pas juridiquement contraignants, ils illustrent les stratégies innovantes utilisées par les vendeuse·eur·s de rue pour établir des relations collectives avec les autorités locales. Dans certains cas, elles·ils ont renforcé la participation de la ZCIEA aux réunions du conseil municipal, améliorant les consultations sur les questions qui touchent les vendeuse·eur·s de rue, tout en rendant l’organisation une porte-parole légitime de leurs préoccupations.
Asie et Pacifique
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En 2014, le Parlement indien a adopté la loi sur la protection des moyens de subsistance et la réglementation de la vente de rue, faisant de l’Inde le premier pays à se doter d’une législation centralisée et progressiste sur le commerce de rue. Cette loi reconnaît le rôle essentiel des vendeuse·eur·s de rue dans la vie urbaine et souligne l’importance de protéger leurs droits et leurs moyens de subsistance. Elle met également en place un cadre innovant et participatif pour organiser et gérer les activités de vente par l’intermédiaire de comités municipaux, dans lesquels au moins 40 % des membres sont elles·eux-mêmes vendeuse·eur·s de rue, garantissant ainsi une représentation directe.
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L’article 40 de la Caisse de sécurité sociale thaïlandaise permet aux travailleuse·eur·s indépendant·e·s de cotiser volontairement pour bénéficier d’une couverture sociale. Selon le montant de leurs cotisations, elles·ils peuvent ainsi accéder à des compensations en cas de perte de revenus due à un accident, une maladie ou un handicap, ainsi qu’à des prestations telles qu’une allocation funéraire, une pension forfaitaire de vieillesse et une allocation mensuelle pour enfant. Bien que certain·e·s travailleuse·eur·s jugent ce régime insuffisant ou difficile d’accès, le nombre d’inscriptions au titre de l’article 40 a presque triplé entre 2012 et 2020. En 2023, les personnes interrogées ont indiqué que la compensation de la perte de revenus en cas de maladie ou d’accident, ainsi que la sécurité financière pour la retraite, étaient des facteurs clefs les ayant incité·e·s à s’affilier. Grâce au plaidoyer soutenu des organisations de travailleuse·eur·s thaïlandaises, le gouvernement contribue désormais aux cotisations des travailleuse·eur·s à hauteur d’environ 50 %, ce qui favorise leur épargne dans le régime et encourage les cotisations régulières.
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En 2018, des milliers de travailleuse·eur·s de la province pakistanaise du Sindh ont remporté une victoire historique lorsque l’Assemblée provinciale a adopté la loi sur les travailleuse·eur·s à domicile du Sindh, la première législation en Asie du Sud dédiée exclusivement à cette catégorie de travailleuse·eur·s. Le fruit de plus de vingt années de mobilisation de la Fédération des travailleuses à domicile, la loi garantit les droits d’environ cinq millions de travailleuse·eur·s à domicile dans le Sindh, leur permettant de se syndiquer et de négocier collectivement, de bénéficier d’une protection sociale et d’accéder à des mécanismes de résolution des conflits.
Amérique Latine
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Le Brésil dispose de divers instruments juridiques visant à favoriser l’inclusion sociale des quelque 281 000 récupératrice·eur·s de matériaux à travers le pays. Le décret présidentiel n° 5940/06, élaboré avec la participation de représentant·e·s de ces travailleuse·eur·s, garantit aux organisations de récupératrice·eur·s l’accès aux déchets des bâtiments du gouvernement fédéral. Le décret impose aux institutions publiques fédérales de tout le pays de mettre en place une « collecte sélective solidaire », attribuant leurs déchets aux coopératives et associations de récupératrice·eur·s de matériaux, et leur assurant ainsi un accès régulier aux matières recyclables.
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Créé en 2003, le Forum municipal des déchets et de la citoyenneté de Belo Horizonte (Fórum Municipal Lixo e Cidadania de Belo Horizonte, ou FMLC BH), à caractère public et inclusif, rassemble des coopératives de récupératrice·eur·s de matériaux, des entités gouvernementales et des organisations non gouvernementales pour échanger sur la gestion des déchets solides. Il a élaboré des lignes directrices facilitant l’intégration des récupératrice·eur·s dans le système de recyclage municipal, ce qui a permis de canaliser un soutien technique et financier vers leurs organisations, renforçant ainsi leurs capacités, équipements et infrastructures. En 2023, le forum a signé une lettre d’engagement avec WIEGO pour travailler sur les enjeux du changement climatique. Dans ce cadre, il a constitué un groupe de travail chargé de superviser les actions de la municipalité et d’autres acteurs en matière de vulnérabilité climatique, d’évaluer la contribution des récupératrice·eur·s de matériaux à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de soutenir les efforts nationaux pour élaborer un plan d’atténuation et d’adaptation climatique.
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Après des années du plaidoyer mené par l’Asociación de Recicladores de Bogotá (ARB) et l’Asociación Nacional de Recicladores (ANR), la Cour constitutionnelle de Colombie a émis une série de décisions historiques imposant l’inclusion des récupératrice·eur·s de matériaux de Bogotá dans la planification des services d’assainissement municipal. Ces décisions reconnaissent officiellement le rôle des récupératrice·eur·s de matériaux dans la chaîne de valeur du recyclage ainsi que leur statut comme prestataires de services. Grâce à cette reconnaissance, les organisations de récupératrice·eur·s ont obtenu le droit d’être rémunéré·e·s pour les matériaux qu’elles·ils récupèrent, collectent et transportent, en complément des revenus issus de la vente de ces mêmes matériaux. Bien que la mise en œuvre ait rencontré des défis et des succès, 94 municipalités colombiennes comptaient, en 2019, au moins une organisation de récupératrice·eur·s de matériaux fournissant des services publics de recyclage.
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Le régime de monotaxe en Uruguay représente une approche innovante pour élargir la couverture de protection sociale de base aux travailleuse·eur·s indépendant·e·s à faible revenu. Ce système instaure un dispositif de cotisations fiscales et sociales simplifiées et subventionnées, permettant aux travailleuse·eur·s de bénéficier de prestations de retraite, de maternité et de maladie. En contrepartie d’une cotisation supplémentaire, elles·ils peuvent accéder également à des soins de santé. Introduite en 2001, la monotaxe a été renforcée par la monotaxe sociale en 2011, réduisant encore les cotisations pour les travailleuse·eur·s à faible revenu. Ce régime couvre environ 40 % des travailleuse·eur·s indépendant·e·s et a contribué à la réduction de l’emploi informel en Uruguay, qui est passé de 43 % de l’emploi total en 2001 à 21,5 % en 2022. Une étude de 2024 montre que les personnes inscrites apprécient les prestations de protection sociale offertes par le régime, l’amélioration de l’accès aux marchés et une certaine « sérénité » vis-à-vis des contrôles administratifs.
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L’une des avancées majeures en matière de gestion des déchets solides au Brésil, avec un impact significatif pour les récupératrice·eur·s de matériaux, a été l’approbation de la loi n° 12305 en 2010, qui a instauré la Politique nationale de gestion des déchets solides (PNRS en portugais). Cette loi a constitué une victoire pour le secteur de l’assainissement et les récupératrice·eur·s sous de nombreux aspects. La PNRS reconnaît leur rôle dans la gestion des déchets solides et introduit le concept de « responsabilité partagée » pour la collecte et l’élimination des déchets produits par les secteurs industriel et commercial. Elle inclut également une disposition concernant la responsabilité élargie des producteurs, connue sous le nom de « système de logistique inversée », qui non seulement reconnaît l’importance des coopératives de récupératrice·eur·s, mais impose également aux entreprises, notamment celles de l’industrie de l’emballage, d’intégrer ces coopératives dans leurs systèmes de logistique inversée.
Australie
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En Australie, les travailleuse·eur·s à domicile –plus précisément les travailleuse·eur·s non salarié·e·s dépendant·e·s à domicile– de l’industrie du textile, de l’habillement et de la chaussure sont majoritairement des femmes issues de l’immigration. Elles constituent le dernier maillon d’une chaîne d’approvisionnement extrêmement complexe et bénéficient de peu de protections. En 2012, une campagne menée pendant des décennies a abouti à une loi amendée sur le travail décent dans cette industrie. Cette loi a mis en place une architecture législative très solide pour la syndicalisation au sein de cette industrie, en reconnaissant les travailleuse·eur·s non salarié·e·s dépendant·e·s à domicile comme des salarié·e·s, en imposant aux entreprises des obligations en matière de transparence et en accordant aux syndicats le droit d’accéder aux lieux de travail.