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Groupes de travailleurs dans l’économie informelleVendeuse·eur·s de rue et commerçant·e·s de marché

Qui sont les vendeuse·eur·s de rue et les commerçant·e·s de marché ?Les vendeuse·eur·s de rue et les commerçant·e·s de marché offrent un accès facile et abordable à une large gamme de produits et de services dans les espaces publics.

Elles·Ils vendent de tout, des produits frais aux plats préparés, en passant par les vêtements, les cosmétiques, les articles de bricolage, les appareils électroniques et les forfaits téléphoniques. Elles·Ils proposent également des services tels que des coupes de cheveux ou la réparation d’ordinateurs.

Les recherches révèlent que la contribution des vendeuse·eur·s et commerçant·e·s est cruciale pour la sécurité alimentaire des populations urbaines, en particulier celles à faible revenu. Cependant, malgré leur contribution, ces vendeuse·eur·s et commerçant·e·s se heurtent à de nombreux défis et sont, la plupart du temps, freiné·e·s plutôt que soutenu·e·s par les politiques et pratiques urbaines.

Ressource en vedetteLes vendeuse·eur·s de rue et l’espace public : perspectives essentielles sur les principales tendances et solutions

À travers son texte et ses photographes, ce livre électronique nous offre un regard approfondi de l’importance du rôle joué par les vendeuse·eur·s de rue dans les villes, des défis auxquels elles·ils font face et des solutions visant à rendre les villes plus pleines de vie, plus sûres et plus abordables pour toute la population.

Définition de « vendeuse·eur·s de rue » et de « commerçant·e·s de marché »

Les vendeuse·eur·s de rue exercent leur activité dans des espaces publics au sens large, tels que les rues, les parcs et les zones ouvertes autour des nœuds de transport ou des chantiers de construction. Pour leur part, les commerçant·e·s de marché vendent des produits et fournissent des services à partir d’étals situés à proximité ou à l’intérieur d’un marché établi sur un terrain, que ce soit public ou privé.

Défis et progrèsStatistiques sur les vendeuse·eur·s de rue et commerçant·e·s de marché

Les vendeuse·eur·s de rue et les commerçant·e·s de marché constituent une large force de travail, mais il est difficile de calculer leur nombre de manière précise.  Les données visant à identifier ces travailleuse·eur·s sont levées à travers les enquêtes sur les forces de travail, mais elles ne sont pas normalement disponibles dans les mises en tableau types élaborées par les offices statistiques nationales. Les données diffusées par le programme de Statistiques de WIEGO sont basées sur des statistiques officielles, bien pour les vendeuse·eur·s de rue comme pour les commerçant·e·s de marché. En 2012, WIEGO a publié des données sur le commerce de rue dans onze villes de dix pays.

Une publication de 2024, Les vendeuse·eur·s de rue et commerçant·e·s de marché de 12 pays : un profil statistique, a compilé des statistiques sur le nombre et les caractéristiques des vendeuse·eur·s de rue et des commerçant·e·s de marché. La publication a pris comme base la série de Notes d’information statistique élaborée par WIEGO, ainsi que de nouvelles données sur certains pays, à savoir, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Chili, El Salvador, le Ghana, l’Inde, le Mexique, l’Ouganda, le Pérou, le Sénégal, la Thaïlande et la Turquie. Les statistiques présentées ci-dessous viennent alors de cette publication.

  • 24 %

    Les vendeurs de rue et commerçant·e·s de marché constituent 24 % de l’emploi total au Senegal

  • 68 %

    des vendeurs de rue au Pérou sont des femmes.

  • 86 %

    Parmi les commerçant·e·s de marché au Ghana, 86 % de femmes travaillant pour compte-propre (des travailleuses indépendantes sans salarié·e·s)

Statistiques supplémentaires sur les vendeuse·eur·s de rue et commerçant·e·s de marché

  • Ensemble, les vendeuse·eur·s de rue et les commerçant·e·s de marché constituent une portion significative de l’emploi total dans de nombreux pays, particulièrement en Afrique. Vendeurs de rue et commerçant·e·s de marché comme pourcentage de l’emploi total dans certains pays (date de l’enquête entre parenthèses) :

    • Ghana (2015) : 21 %
    • Sénégal (2019) : 24 %
    • El Salvador (2021) : 10 %
    • Pérou (2019) :  8 %
    • Inde (2022-2023) : 3 % (seulement des vendeuse·eur·s de rue)
    • Thaïlande (2017) : 4,5 %
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  • Dans un bon nombre de pays, la vente de rue et le commerce de marché sont des activité à prédominance féminine. Les femmes sont le visage de la vente de rue dans 9 de 12 pays.  

    • Ghana (2015) : 83 %
    • Pérou (2019) : 68 %
    • El Salvador (2021) : 67 %
    • Afrique du Sud (2023) : 62 %
    • Sénégal (2019) : 57 %
    • Mexique (2023) : 56 %
    • Ouganda (2021) : 54 %
    • Brésil (2020) et Thaïlande (2017) : 53 %

    Les pays où les hommes prédominent sont le Chili (55 %) et la Turquie (85 %).

    En revanche, les femmes forment la majorité des commerçant·e·s de marché au Ghana, en Ouganda, en Thaïlande, au Salvador, au Mexique et au Pérou. Dans deux de ces pays, les femmes représentent une vaste majorité des commerçant·e·s de marché : 83 % au Ghana et 72 % au Salvador.

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  • La plupart des femmes travaillant dans le commerce de marché et la vente de rue occupent des emplois précaires en tant que travailleuses pour compte-propre, c’est-à-dire, des travailleuses indépendantes sans salarié·e·s.

    • Les pourcentages de femmes travaillant pour compte-propre parmi les commerçant·e·s de marché au niveau national varient de 50 % au Pérou à 86 % au Ghana. 
    • Dans la vente de rue, ces pourcentages sont encore plus élevés, allant de 72 % à 89 % dans tous les pays étudiés, à l’exception de la Turquie et de l’Inde. 
    • En général, les hommes engagés dans le commerce de marché ou la vente de rue sont plus susceptibles que les femmes d’être des salariés, à l’exception des commerçant·e·s de marché au Brésil (21 % de femmes et 15 % d’hommes) et au Chili (7 % de femmes et 4 % d’hommes). 
    • De plus, en Inde, la vente de rue et le commerce de marché, pris ensemble, se distinguent par le fait que 76 % des femmes y travaillent en tant que salariées, contre seulement 27 % des hommes.
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Contributions des vendeuse·eur·s de rue

Les statistiques montrent systématiquement que la vente de rue et le commerce de marché jouent un rôle clé dans la création d’emplois, en particulier pour les femmes, tout en contribuant de manière essentielle à la subsistance des familles et à la sécurité alimentaire des populations urbaines les plus vulnérables. Toutefois, ces activités apportent également des contributions significatives dans d’autres domaines :

  • Emploi :  en plus de générer de l’emploi pour elles·eux-mêmes, les commerçant·e·s créent des opportunités de travail pour les porteuse·eur·s, les agent·e·s de sécurité, les opératrice·eur·s de transport, les fournisseuse·eur·s de services de stockage, et bien d’autres encore.
  • Économie :  la plupart des vendeuse·eur·s se fournissent en biens dans l’économie formelle, souvent en payant la taxe sur la valeur ajoutée sans possibilité de la récupérer, contrairement aux entreprises du secteur formel.
  • Fiscalité : généralement, les vendeuse·eur·s de rue payent divers impôts, redevances et prélèvements, contribuant ainsi aux budgets publics, tant au niveau local que national.
  • Planification urbaine : beaucoup des vendeuse·eur·s de rue participent activement à la propreté et à la sécurité des espaces publics, favorisant ainsi un environnement agréable pour leur clientèle.
  • Vie de rue, patrimoine et tourisme : le commerce de rue dynamise la vie urbaine et constitue, dans de nombreux endroits, un élément fondamental du patrimoine historique et culturel.

Forces motrices et conditions de travail

Les faibles barrières à l’entrée, les coûts initiaux réduits et la flexibilité des horaires figurent parmi les principaux facteurs qui attirent vers la vente de rue. Nombre de personnes, notamment des migrant·e·s, s’y tournent faute de trouver un emploi dans l’économie formelle.

Le commerce de rue peut offrir des moyens de subsistance viables, mais les revenus y sont souvent faibles et les risques élevés. L’insécurité des lieux de travail et l’absence quasi totale d’infrastructures sont des problèmes majeurs. Vols, détérioration des marchandises et manque d’espace de stockage font partie des défis quotidiens.

À cela s’ajoute la nature punitive de nombreuses politiques urbaines, qui perçoivent souvent la vente de rue comme contraire à une image de ville « moderne », « hygiénique » et « favorable aux investissements ».   Les réglementations en vigueur pénalisent fréquemment les vendeuse·eur·s de rue, et les villes qui délivrent des licences en limitent souvent le nombre.

  • L’étude sur la crise de la COVID-19 montre combien les mesures de confinement obligatoire ont affecté de manière disproportionnée la capacité des vendeuse·eur·s de rue à assurer leur subsistance. Les enquêtes menées auprès de vendeuse·eur·s dans neuf villes révèlent ceci :

    • En avril 2020, au plus fort des restrictions dans la plupart des villes, 81 % des vendeuse·eur·s étaient empêché·e·s de travailler et leur revenu médian était nul.
    • À la mi-2021, bien que 80 % des vendeuse·eur·s aient repris le travail, leurs revenus n’atteignaient que 60 % des niveaux prépandémiques.

    La COVID-19 n’est pas la première crise à avoir frappé durement les vendeuse·eur·s de rue. L’étude de WIEGO sur la crise économique mondiale a montré qu’en 2009, elles·ils ont subi une chute de la demande et une augmentation de la concurrence, car de nombreuses personnes récemment sans emploi se sont tournées vers la vente de rue. En 2010, beaucoup de vendeuse·eur·s de rue n’avaient toujours pas surmonté ces difficultés et avaient dû augmenter leurs prix en raison de la hausse des coûts des biens et de la concurrence des grandes surfaces.

  • Travaillant en extérieur dans un milieu urbain, les vendeuse·eur·s de rue et leurs marchandises sont exposé·e·s à un soleil brûlant, à des pluies torrentielles et à une chaleur ou un froid extrêmes, dont les effets sont amplifiés par le changement climatique. Beaucoup n’ont pas accès à un abri, à l’eau potable ni aux installations sanitaires à proximité de leur lieu de travail, ce qui a des implications majeures sur leur santé, leur bien-être et leurs moyens de subsistance.

    Ces travailleuse·eur·s sont également confronté·e·s à des risques supplémentaires liés à leur activité, tels que le port de charges lourdes entre les points de vente et de stockage, les dangers physiques dus à l’absence d’équipement de protection contre les incendies et les blessures liées à une mauvaise régulation de la circulation dans les zones commerciales.

    Le manque de services d’assainissement et d’enlèvement des ordures rend les conditions de travail peu hygiéniques, affectant la santé des vendeuse·eur·s ainsi que celle de leur clientèle et de la communauté environnante.

  • Malgré leurs contributions significatives, les vendeuse·eur·s de rue et les commerçant·e·s de marché sont souvent victimes de politiques et pratiques urbaines punitives et omniprésentes, conduisant fréquemment à leur expulsion des espaces publics sous prétexte de créer des villes « de classe mondiale », « ordonnées » et « modernes ». La législation locale tend à pénaliser la vente de rue et le zonage interdit souvent cette activité, et même lorsque des licences sont accordées, leur nombre est généralement limité. De plus, la planification urbaine ne prévoit que rarement des espaces dédiés à la vente de rue.

Politiques et programmes

Des approches inclusives pour la vente de rue et le commerce de marché sont possibles.  Aux côtés des organisations de vendeuse·eur·s de rue, WIEGO démontre leurs contributions, fournit des lignes directrices techniques et présente des possibilités politiques favorables à ces travailleuse·eur·s, dans le but de renforcer leur position dans les négociations, en particulier face aux administrations locales.

  • À travers le programme de Politiques urbaines et l’initiative Villes focales, WIEGO soutient une conception et une planification urbaines inclusive, par exemple, le travail d’Asiye eTafuleni au nœud routier Warwick Junction, à Durban, ou encore le travail des Villes focales à Mexico. À Delhi, le suivi de la mise en œuvre de la Loi sur les vendeuse·eur·s de rue est toujours en cours. Nous avons élaboré des lignes directrices sur l’espace public à l’intention des travailleuse·eur·s, des fonctionnaires du niveau local et des décideuse·eur·s politiques.

  • Les moyens de subsistance des vendeuse·eur·s de rue sont encadrés par des réglementations nationales et locales, comme les arrêtés municipaux, qui donnent aux administrations locales le pouvoir de gérer l’accès à l’espace public et aux ressources essentielles.

    Les difficultés rencontrées par ces travailleuse·eur·s résultent souvent de la manière dont ces pouvoirs sont attribués, interprétés et appliqués. Les principes de justice administrative imposent aux fonctionnaires de l’État d’agir avec légalité, rationalité et impartialité. Ainsi, la justice administrative devient un outil précieux pour les travailleuse·eur·s, leur permettant, d’une part, de contester les actions obstruant leur travail et, d’autre part, de faire campagne en faveur d’une prise de décision inclusive qui, à terme, va modifier les lois.

    Le programme Droit de WIEGO explore les répercussions des lois sur les moyens de subsistance urbains afin de reconfigurer les relations de gouvernance urbaine et de promouvoir les droits humains et les droits du travail, au bénéfice des travailleuse·eur·s de l’informel. Parmi nos projets, figurent S’organiser à travers la justice administrative et la R204 et Cartographies des légalités : urbanisation, droit et travail informel.

  • Comme l’ensemble des travailleuse·eur·s, les vendeuse·eur·s de rue ont besoin d’une protection sociale complète pour assurer leur subsistance et leur bien-être.

    Cependant, l’accès à la protection sociale est souvent semé de défis, comme pour d’autres groupes majoritairement composés de travailleuse·eur·s indépendant·e·s de l’informel, comme les travailleuse·eur·s à domicile et les récupératrice·eur·s de matériaux. Souvent, les régimes de protection sociale liée au travail ne sont pas conçus pour les travailleuse·eur·s indépendant·e·s les plus démuni·e·s, qui en sont exclu·e·s juridiquement. Des obstacles tels que l’accessibilité financière, le versement des cotisations et des démarches administratives compliquées entravent leur inclusion dans ces régimes.

    Le programme de Protection sociale de WIEGO explore comment les régimes de protection sociale liée au travail peuvent être conçus pour faciliter l’accès des travailleuse·eur·s indépendant·e·s de l’informel, y compris les vendeuse·eur·s de rue. Par exemple, nous avons mené une étude avec l’OIT sur l’innovant régime monotax en Uruguay, ainsi qu’une note d’information sur les politiques en matière des systèmes de protection sociale au Laos, contenant des recommandations pour le reformer.

Organisation et voix

Les organisations de base aident les vendeuse·eur·s de rue à gérer leurs rapport avec les autorités, à renforcer la solidarité interne et à résoudre les conflits avec d’autres vendeuse·eur·s. Certaines ont innové en travaillant avec les municipalités pour garantir la propreté et la sécurité des rues, tout en assurant leurs moyens de subsistance. Parmi leurs principales revendications figurent l’accès à des infrastructures appropriées (espaces de vente et de stockage et installations sanitaires bien conçus, eau et électricité à des tarifs abordables), une couverture de protection sociale, la fin des pratiques et réglementations municipales nuisibles et leur inclusion dans les processus de décision sur les questions qui les concernent.

Une stratégie clef déployée par les organisations de vendeuse·eur·s de rue et de marché consiste à exiger leur reconnaissance comme partenaires de négociation et à obtenir des espaces de négociation locale. WIEGO et StreetNet International ont élaboré un manuel sur la Négociation collective des travailleuse·eur·s de l’informel dans le cadre de la série de ressources pour les leaders des organisations dans l’économie informelle.

WIEGO collabore étroitement avec StreetNet International, créée avec le soutien de WIEGO en 2002 comme un biais pour amplifier la voix des vendeuse·eur·s de rue et des commerçant·e·s de marché à l’échelle internationale.

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