Norma Palacios est l’une des cofondatrices et dirigeantes de SINACTRAHO, un syndicat de travailleuses domestiques au Mexique qui cherche à sensibiliser l’opinion publique sur leur situation économique et professionnelle, tout en encourageant ses membres à revendiquer et à exercer leurs droits en tant que travailleuses.

Dès le début de la pandémie, Norma a compris que c’était l’occasion de comprendre les besoins du secteur et de voir comment les travailleuses domestiques résistent à la crise. Lorsque les bureaux du syndicat étaient fermés, il s’agissait d’ouvrir des espaces via Zoom, mais elle s’est vite rendu compte que ce n’était pas suffisant. « À un moment donné, j’ai compris que j’avais besoin d’entrer en contact avec les travailleuses domestiques d’autres États pour comprendre comment elles s’en sortaient ». C’est alors qu’elle a quitté son bureau dans la capitale et a commencé à tendre la main aux travailleuses des autres régions.

En écoutant les travailleuses, SINACTRAHO avait une stratégie claire sur la façon d’offrir une aide immédiate. Une subvention en espèces obtenue par l’intermédiaire de la Fédération internationale des travailleuses domestiques a permis aux dirigeantes d’aider les travailleuses domestiques les plus démunies à « payer le loyer, acheter des médicaments et un panier alimentaire de base ».

Mais si le soulagement économique immédiat était important, le soulagement émotionnel était crucial. « Les compañeras [camarades] ne vont pas vous dire “j’ai besoin d’être entendue” mais elles vont parler et parler, vous raconter comment elles sont devenues travailleuses domestiques, comment elles étaient traitées sur leur lieu de travail, comment elles ont supporté des situations de violence, de très longues journées de travail, et comment elles sont arrivées à ce moment où tout a explosé [...], donc nous avons vu la nécessité d’une aide psychologique. Et nous avons pu avoir quatre séances avec un·e psychologue [via Zoom] ».

Ces rencontres ont également renforcé la solidarité entre les travailleuses dans des périodes particulièrement difficiles.


« La plupart du temps, on travaille dans un endroit où la maison de l’employeur est notre lieu de travail, mais on peut être seule toute la journée et ne pas avoir de contact avec d’autres personnes auxquelles on s’identifie. Nous voyons que ces relations peuvent se développer lorsque, éventuellement, on travaille dans le même bâtiment et on établit une amitié, mais nous voyons que lorsqu’elles viennent au syndicat, elles deviennent plus fortes ».


Avec tant de tensions, aussi bien dans leurs foyers que sur leurs lieux de travail, l’effort historique pour assurer la protection sociale à long terme des travailleuses domestiques était encore plus urgent. « Pour nous, le plus important à l’heure actuelle est d’avoir un plus grand nombre de compañeras ayant accès à la sécurité sociale. C’est quelque chose qui nous occupe beaucoup, pour voir comment nous allons résoudre cette question, et c’est aussi à nous de plaider auprès des autorités correspondantes pour qu’elles fassent leur travail ». Parallèlement à ce travail de plaidoyer, le syndicat a également offert de l’assistance juridique aux travailleuses domestiques qui ont été confrontées à des relations d’emploi abusives ou ont été licenciées sans justification pendant la crise.

Norma est travailleuse domestique depuis 27 ans et, bien qu’elle reconnaisse être fatiguée et « avoir des craintes, comme tout autre être humain », elle retrouve des forces dans ce mouvement.


« Faire toutes ces activités pendant la pandémie nous a montré que nous pouvons tout réussir. Cela m’a aussi donné beaucoup de force : quand nous avons ces rencontres avec les autorités, je sais que nous portons avec nous la voix de toutes les travailleuses domestiques. [...] Nous devons nous accrocher à toutes ces femmes pour avancer ».


* Cette histoire est basée sur un entretien avec Norma Palacios pour la phase 2 de l’Étude sur la crise de la COVID-19 et l’économie informelle de WIEGO, menée en août 2021. Elle a été publiée avec le consentement de Norma. Pour en savoir plus sur la reprise après la COVID-19 à Mexico, cliquez ici.


Photo du haut : Norma Palacios. Crédit photo : avec l'aimable autorisation de Norma Palacios