Photo par Juan Arredondo, Getty Images Reportage
Les récupératrice·eur·s de matériaux affrontent des risques spécifiques dans cette pandémie – qui vont de la manipulation de matériaux contaminés à la perte de revenus quotidiens essentiels lorsque les gouvernements ordonnent des arrêts de travail et demandent aux gens de rester chez eux –. Leurs organisations se mobilisent pour les aider et les défendre.
Les récupératrice·eur·s de matériaux – également connus sous le nom de recycleuse·eur·s, catadores en portugais et recicladores en espagnol – fournissent des services essentiels d'assainissement et de gestion des déchets solides. Ces travailleuse·eur·s contribuent aux économies locales, à la santé et à la sécurité publiques, ainsi qu'à la durabilité de l'environnement.
Or, dans le contexte de cette pandémie, le fait de rassembler, collecter et trier ce que d’autres jettent les met en danger. Leur travail implique une forte exposition aux germes et une grande proximité avec d’autres personnes. Par exemple, les récupératrice·eur·s manipulent des matériaux, y compris des déchets médicaux, qui peuvent être contaminés avec le coronavirus.
Pourtant, leurs revenus quotidiens sont essentiels pour ces travailleuse·eur·s. Arrêter de travailler et rester à la maison pourrait faire basculer leur ménage dans l'extrême pauvreté. De plus, les récupératrice·eur·s vivent souvent dans des zones d'habitation informelles et surpeuplées qui sont dépourvues d'eau courante et d'installations sanitaires.
Pour le bien de ces travailleuse·eur·s et de leurs communautés, les gouvernements doivent permettre aux récupératrice·eur· de matériaux de suivre les lignes directrices de santé publique. À l’heure actuelle, l'aide au revenu, l'accès à l'eau et aux desinfectants et la fourniture d'équipements de protection sont cruciaux. Il en va de même pour l'accès aux soins de santé et aux protections sociales.
Il est indispensable d'informer le public sur la nécessité de séparer correctement les déchets médicaux ménagers afin d'éviter que des matières contaminées ne soient collectées avec des produits recyclables, et réduire ainsi le risque d'exposition des récupératrice·eur·s de matériaux de l’informel (et de tout·e travailleuse·eur du secteur des déchets).
Pour trouver des interventions pratiques et appropriées, les gouvernements locaux et nationaux doivent travailler ensemble sur un plan d'intervention coordonné qui implique les organisations et les coopératives des récupératrice·eur·s de matériaux.
Ce que font les organisations de récupératrice·eur·s de matériaux
L’Alliance mondiale des récupératrice·eur·s de déchets a élaboré des recommandations pour ces travailleuse·eur·s sur la base d'informations provenant d'expert·e·s en santé et d'organisations de récupératrice·eur·s de matériaux du monde entier. Au début du mois de mars, ces organisations ont publié une étude sur la situation dans le terrain et ont recueilli des recommandations. Voici certaines des nombreuses réponses.
Brésil
Le projet Cuidar de WIEGO a développé des matériels, dont cette affiche, pour aider les récupératrice·eur·s de matériaux à réduire les risques.
Les coopératives de récupératrice·eur·s embauchées par les municipalités éprouvent des difficultés pour avoir accès aux désinfectants et aux masques. La contamination est préoccupante car les personnes qui traitent le virus à domicile se débarrassent des déchets contaminés, qui peuvent arriver aux centres de tri des coopératives, même si on sépare les déchets à la source (et surtout lorsque les résident·e·s ne suivent pas de procédures pour trier les déchets).
WIEGO, en collaboration avec des expert·e·s de la santé publique et des partenaires de l'AMUR et de l'Université de Brasilia, a élaboré des lignes directrices destinées aux récupératrice·eur·s de matériaux, à leurs organisations et aux agences d'assainissement afin de contribuer à prévenir la propagation de la COVID-19. Cela comprend une affiche et une note technique expliquant comment les récupératrice·eur·s de matériaux peuvent réduire leurs risques.
France
AMELIOR à Montreuil, France, rapporte que l’organisation a travaillé dans la formation de ses membres sur les risques et les stratégies de prévention. Pourtant, de nos jours, le gouvernement a décrété l’isolement social à la maison pour tout le monde. Comme les récupératrice·eur·s n’ont pas pu travailler pendant des jours et n’ont donc pas d’argent ni de nourriture, l’organisation a contacté chaque récupératrice·eur pour connaître sa situation particulière.
Ghana
À Accra, l’Association de récupératrice·eur·s de Kpone s’attaque à cette crise. La direction de cette organisation va fournir des produits désinfectants et des équipements de protection (tels que des masques, des gants et de l’eau propre) à ses membres. Même si le site d’enfouissement de Kpone est de nos jours fermé, l’association participe à la prévention de la propagation du virus parmi les récupératrice·eur·s et leurs familles et offre des formations. L’organisation a annulé ses réunions jusqu’à nouvel ordre. D’ailleurs, elle encourage la participation d’autres récupératrice·eur·s et les invite à parler d’une seule voix dans un appel au gouvernement pour qu’on n’oublie pas le secteur de l’économie informelle.
Inde
L’Alliance de récupératrice·eur·s d’Inde a demandé l’appui du premier ministre indien ainsi qu’un revenu minimum d’urgence de 10 000 INR par mois par ménage.
Afrique du Sud
L’Association de récupératrice·eur·s de l’Afrique du Sud lance un appel à tou·te·s celles et ceux récupérant des matériaux recyclables du flux de déchets, des sites d’enfouissement, des rues, des décharges illégales et des communautés à prendre soin de leur santé pendant ces temps difficiles. SAWPA appelle les gouvernements locaux et nationaux ainsi que les citoyen·ne·s à assister, soutenir, financer et travailler d’une manière globale avec les récupératrice·eur·s ; en particulier pour leur faciliter l’accès aux produits désinfectants.
Colombie
L’ANR, l’Association nationale de récupératrice·eur·s, offre des recommandations pour prévenir la propagation du coronavirus lors de la prestation du service public de gestion de matériaux recyclables, dans le cadre du service public de gestion de déchets en Colombie (espagnol). L’ANR a exigé :
- Que le gouvernement n’interdisse PAS le recyclage et qu’il reconnaisse les récupératrice·eur·s de matériaux qui continuent à travailler dans les rues en tant que fournisseuse·eur·s d’un service.
- Que la citoyenneté soit informée par le biais de bases de données et d’autres canaux à propos de l’urgence du tri à la source ou, au moins, de l’identification des sacs des déchets pouvant contenir le coronavirus au cas où il y ait des personnes malades à la maison.
- Que les récupératrice·eur·s aient accès à des équipements de protection individuels et puissent se laver les mains avec du savon toutes les heures (ces travailleuse·eur·s ont installé des gallons d’eau et du savon dans leurs véhicules, mais sont à court de ressources). L’ARB, l’Association récupératrice·eur·s de Bogota, a demandé à l’industrie de matériaux recyclables de soutenir les organisations en fournissant ces équipements.
Dans la région d’Antioquia, les circuits de collecte sont fermés dû à la loi de restriction de la circulation dans la ville. Les récupératrice·eur·s ont donc subi une réduction radicale de leurs revenus.