Dakar, mardi 1er mars 2022 - A l’occasion de la journée mondiale des récupérateur·trice·s, le réseau mondial Femmes dans l’emploi informel : globalisation et organisation (WIEGO, par son acronyme en anglais) et Bokk Diom, association des récupérateur·trice·s de Mbeubeuss ont organisé à Dakar un atelier réunissant les Ministères concernés, les autorités locales et les partenaires.
Cet événement a permis de révéler les derniers résultats de l’étude WIEGO sur l’impact de la Covid-19 sur les récupérateur·trice·s et de mobiliser les autorités sur les besoins prioritaires des récupérateur·trice·s dont l’avenir est directement menacé par la mise en œuvre du PROMOGED, le projet de transformation de la décharge de Mbeubeuss.
Malgré la promesse fait par le Président Macky Sall lors de sa visite à Mbeubeuss en juin 2021, les récupérateur·trice·s pourtant les premiers concerné-es par le PROMOGED à Dakar continuent d’être exclu·e·s des processus de prise de décision et n’ont toujours aucune garanties concrètes quant à la sécurisation de leurs moyens de subsistance.
“Le Président Macky Sall est venu à la décharge, il s’est engagé publiquement et pourtant depuis, rien ne s’est passé ! C’était il y a près de 8 mois et le projet continue mais les menaces persistent. Nous avons créé notre propre coopérative, nous sommes Mbeubeuss, nous sommes au cœur de la chaîne, les autorités ne peuvent pas continuer à nous ignorer” déclare Harouna NIASSE, Président de l’Association Bokk Diom qui représente les récupérateur·trice·s.
Car si le PROMOGED n’est pas encore en place, ses effets se font eux déjà sentir au quotidien. D’après la dernière étude de WIEGO, même si Mbeubeuss restait ouverte, 67 % des récupérateur·trice·s déclarent qu´il est maintenant plus difficile d'accéder aux recyclables. Les mesures mises en place par l'Unité de Coordination de la gestion de déchets solides (UCG) ont déjà provoqué des altérations dans la chaîne d'approvisionnement de déchets et dans l'organisation de la décharge. Par exemple, la collecte de nuit très difficile pour les femmes, le tri en amont des déchets ou encore les nouveaux points de collecte au niveau des ménages sans donner la priorité à l'inclusion des récupérateurs ont de lourdes conséquences pour tous les ménages qui vivent aujourd’hui de la récupération.
Ces mesures conjuguées à l’impact de la pandémie ont plongé les récupérateur·trice·s dans une vulnérabilité sans précédent. L’année dernière, 80% des ménages de récupérateur·trice·s ont subi une baisse de revenus et plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré que les adultes de leurs ménages avaient souffert de la faim, dont majoritairement les femmes qui sont particulièrement affectées. 7 récupératrices sur 10 par exemple déclarent que l’augmentation des responsabilités ménagères les ont empêchées d'aller au travail ou de travailler le même nombre d’heures par rapport à février 2020.
“Pour nous les femmes récupératrices, la situation est encore plus difficile, nous avons besoin d’aides sociales et alimentaires, d’un appui financier et d’un système de garderie communautaires pour nos enfants pour pouvoir travailler” interpelle Madame Adjia Seyni Diop, Vice-présidente de Bokk Diom et Présidente du comité des femmes récupératrices de Mbeubeuss.
Malgré ce contexte chaque jour plus difficile, la mobilisation des récupérateur·trice·s, soutenu-e-s par la CNTS, la Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal ne faiblit pas.
“Cet atelier doit permettre d’amorcer le tournant que nous attendons, de déverrouiller la situation et de concrétiser les engagements qui ont été annoncés par le Gouvernement. C’est l’occasion pour les autorités de réviser leurs mesures et pratiques dans la gestion des déchets, de reconnaître et d’intégrer le travail des récupérateur·trice·s et de les accompagner dans la mise en place du nouveau dispositif de gestion de déchets. La transition vers le PROMOGED doit être juste ” conclut Adama Soumaré, représentant local de WIEGO au Sénégal.
Contact presse : Claire Le Privé +221 78 140 47 93 claire.leprive@gmail.com
Des portes-paroles sont disponibles en langues locales et en français. Des photographies peuvent être transmises sur demande.
Notes aux éditeurs :
- Les récupérateur·trice·s de Mbeubeuss récupèrent annuellement 55 055 tonnes de matériaux recyclables, ce qui permet d'éviter l'émission de plus de 100 987 tonnes d'équivalent de CO2 chaque année1.
- La crise de la COVID-19 et l’économie informelle est un travail collaboratif entre le réseau mondial Femmes dans l’emploi informel: globalisation et organisation (WIEGO, par son acronyme en anglais) et des organisations partenaires locales représentant des travailleur·euse·s de l’informel dans 12 villes : Accra, Ghana ; Ahmedabad, Inde ; Bangkok, Thaïlande ; Dakar, Sénégal ; Dar es Salaam, Tanzanie ; Delhi, Inde ; Durban, Afrique du Sud ; Lima, Pérou ; Ville de Mexico, Mexique ; Pleven, Bulgarie ; New York, États-Unis ; et Tirupur, Inde, avec l’appui du Centre de recherches pour le développement international (IDRC/CRDI), Canada. Cette étude longitudinale à méthodes mixtes comprend des enquêtes auprès des travailleur·euse·s de l’informel et des entretiens semi-structurés avec des leaders de ces travailleur·euse·s et d’autres informateur·trice·s clé·e·s, menés par téléphone et en personne. Pour en savoir plus, visitez https://www.wiego.org/etude-sur-la-crise-de-la-covid-19-et-leconomie-informelle-
- Bokk Diom est une organisation locale de récupératrices-teurs de Mbeubeuss qui est née d’une volonté dans les années 1990 pour lutter contre la stigmatisation, l’exclusion et la délinquance. Dans cette optique Bokk Diom a travaillé avec des organisations et institutions (entre autres, avec ENDA Graf, BIT, WIEGO, Autres terres de Belgique et la Mairie de Malika) dans des projets et programmes pour renforcer les capacités de ses membres, la prise en charge des questions de santé des récupérateur·trice·s, le renforcement institutionnel de l’organisation et la lutte contre l’exploitation des enfants au travail. Actuellement Bokk Diom compte à peu près d’un millier de récupérateur·trice·s membres avec un bon renforcement organisationnel et une bonne représentation des femmes dans les instances de décision de l’organisation.
- WIEGO est un réseau mondial consacré à promouvoir l’autonomisation des personnes travailleuses démunies – en particulier des femmes – dans l’économie informelle afin de garantir leurs moyens de subsistance. Nous considérons que toutes les personnes travailleuses doivent avoir les mêmes droits, opportunités économiques et protections, ainsi qu’être en mesure de s’exprimer sur un pied d’égalité. Pour favoriser le changement, WIEGO vise à améliorer les statistiques et élargir les connaissances sur l’économie informelle, à créer des réseaux et renforcer les capacités des organisations des travailleuses et travailleurs de l’informel et, en collaboration avec ces réseaux et organisations, à influencer les politiques locales, nationales et internationales. Visitez www.wiego.org